Quels modèles économiques pour accompagner les Objectifs de développement durable

Face aux limites du modèle économique actuel, le Stockholm Environment Institute (SEI) propose une analyse approfondie de six paradigmes alternatifs avec pour objectif d’ identifier les approches les plus aptes à répondre aux grands défis sociaux, écologiques et économiques du XXIe siècle, et à atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030. Loin de désigner une solution unique, le rapport plaide pour une transformation systémique s’inspirant de plusieurs visions complémentaires.

Le Stockholm Environment Institute (SEI)
Étude du SEI : six approches économiques face aux Objectifs de développement durable - Crédits : SEI – Stockholm Environment Institute Agrandir la figure 3054

Le Stockholm Environment Institute (SEI) propose une nouvelle vision de l’économie pour un avenir durable

L’étude du Stockholm Environment Institute (SEI) propose une réflexion constructive et critique sur les fondations économiques mondiales à l’heure des bouleversements écologiques, sociaux et géopolitiques. À travers une évaluation comparative de six paradigmes économiques alternatifs, le SEI cherche à répondre à une question cruciale : quels modèles économiques sont réellement compatibles avec les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés par les Nations unies en 2015 ?

Le SEI commence par rappeler que le paradigme économique actuel, basé sur la croissance illimitée, la compétitivité et l’optimisation des profits, montre ses limites. Malgré des décennies de croissance globale, les inégalités persistent, les écosystèmes se dégradent, et les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. Les modèles économiques traditionnels sont incapables d’intégrer la complexité des interactions entre développement humain, soutenabilité écologique et justice sociale.

L’étude se penche sur six modèles économiques alternatifs, choisis pour la diversité de leurs approches, leur popularité croissante dans les milieux universitaires, et leur potentiel transformateur :

  1. La théorie du Donut (Kate Raworth)
    Ce paradigme propose de concevoir une économie qui reste à l’intérieur d’un espace sûr et juste pour l’humanité : ni en dessous du plancher social (besoins humains fondamentaux), ni au-dessus du plafond écologique (limites planétaires). Il fournit une boussole visuelle pour guider les politiques vers une prospérité équilibrée.
  2. La prospérité sans croissance (Tim Jackson)
    Ce modèle remet en cause le lien entre croissance économique et bien-être. Il propose de réorienter les économies vers des indicateurs de qualité de vie, de réduire la dépendance à la consommation matérielle et de créer des sociétés résilientes et sobres en carbone.
  3. L’écodéveloppement (Ignacy Sachs)
    L’écodéveloppement intègre le respect de la diversité culturelle, l’équité sociale et la durabilité écologique. Il insiste sur l’adaptation des stratégies de développement aux spécificités locales et sur la participation des communautés.
  4. L’économie du savoir
    Ce paradigme met la connaissance, la recherche, l’innovation et l’éducation au centre du développement. Il considère que la transition vers une économie durable passera par l’accès généralisé à l’information, l’apprentissage permanent et les technologies responsables.
  5. L’écosocialisme
    L’écosocialisme critique la compatibilité du capitalisme avec les limites planétaires. Il prône une restructuration démocratique de l’économie centrée sur la planification écologique, la redistribution des richesses et la fin de l’exploitation des ressources naturelles.
  6. L’économie circulaire
    Ce modèle vise à fermer les cycles de production et de consommation, en limitant le gaspillage, en optimisant la réutilisation des ressources et en réduisant la pression sur les écosystèmes. Il s’appuie sur l’écoconception, la réparation, le recyclage, et les modèles économiques de type « service ».

L’analyse du SEI ne se limite pas à une description. Elle évalue dans quelle mesure chaque paradigme contribue à la réalisation des 17 ODD, selon plusieurs points clés :

  • Satisfaction des besoins fondamentaux (ODD 1 à 6)
  • Réduction des inégalités (ODD 10)
  • Préservation des ressources naturelles et climat (ODD 12, 13, 14, 15)
  • Modèles de production et de consommation durables (ODD 8, 9, 12)
  • Gouvernance, paix et justice (ODD 16)
  • Partenariats et coopération internationale (ODD 17)

L’évaluation globale indique que chacun de ces paradigmes contribue partiellement aux ODD, mais aucun ne les couvre intégralement. Le SEI insiste donc sur la complémentarité des approches : une transformation systémique devrait s’inspirer de plusieurs de ces modèles à la fois, selon les contextes, les échelles d’action et les priorités locales.

Parmi les recommandations du rapport :

  • Revoir les indicateurs de performance économique (au-delà du PIB)
  • Adopter des politiques publiques intégrées, qui articulent bien-être, inclusion sociale et sobriété écologique
  • Encourager l’expérimentation locale et les initiatives citoyennes
  • Favoriser les dialogues entre disciplines académiques, décideurs et société civile

L’étude du SEI appelle à un changement systémique. Elle montre que les modèles économiques ne sont pas neutres : ils influencent directement la trajectoire de nos sociétés. Pour espérer atteindre les ODD d’ici 2030 et préserver un avenir vivable, il faut rompre avec le paradigme de la croissance infinie et bâtir une économie centrée sur les limites planétaires, les besoins humains essentiels et la justice sociale. Cela suppose non seulement des réformes politiques majeures, mais aussi une révolution culturelle dans la manière dont nous pensons le progrès.