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Publié le 27 juillet 2025
À l’International Préserver la biodiversité, les milieux et les ressources Appropriation et mise en œuvre des ODD
La clôture du débat de haut niveau du Conseil économique et social de l’ONU 2025 (ECOSOC), qui marque également la fin du Forum politique de haut niveau sur le développement durable (FPHN), s’est déroulée dans un contexte international tendu. Les États membres ont adopté par consensus une déclaration ministérielle, malgré de vives fractures géopolitiques sur des sujets tels que les droits humains, la gouvernance économique mondiale ou la santé reproductive. Alors que les crises globales se multiplient, les débats ont mis en évidence la nécessité urgente de repenser la mondialisation, de renforcer la coopération multilatérale et de relancer la dynamique autour du Programme 2030. Deux tables rondes et un dialogue politique ont permis d’esquisser des pistes pour un multilatéralisme plus inclusif, à l’heure où l’ONU célèbre ses 80 ans.
Alors que le HLPF 2025 s’achève, une prestation de la chorale « Sing for Hope » vient clore les travaux sur une note d’inspiration, rappelant à tous l’urgence de préserver l’avenir des jeunes générations.
« Le monde est à un tournant critique : la convergence des crises risque d’anéantir les avancées du développement, mais la science et l’innovation ouvrent la voie à une transformation. » C’est sur cette note que s’est ouverte la dernière journée du débat annuel de haut niveau du Conseil économique et social (ECOSOC), marquée par la présentation des rapports du Secrétaire général, deux tables rondes thématiques et l’adoption de la déclaration ministérielle.
Li Junhua , Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales des Nations Unies
M. Li Junhua, Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, a introduit les rapports en insistant sur l’importance d’intégrer les connaissances scientifiques dans l’élaboration des politiques. Il a appelé à renforcer les capacités nationales et régionales, à investir dans les infrastructures numériques et à garantir un accès équitable aux données et technologies.
Le Secrétaire général a plaidé pour une mondialisation renforcée, fondée sur le multilatéralisme, l’inclusion et la solidarité, affirmant que « le monde a besoin de plus – et non de moins – de mondialisation ». Cette vision est cependant contrariée par les tensions géopolitiques, les guerres commerciales et les politiques de relocalisation, qui érodent la confiance dans la coopération multilatérale. Les crises climatiques et les conflits actuels soulignent quant à eux la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales et l’urgence de bâtir une résilience collective.
Les rapports préconisent un modèle de mondialisation plus équitable et durable, en harmonie avec les Objectifs de développement durable (ODD), fondé sur une coopération renouvelée. Le commerce doit être réorienté pour soutenir les ODD, en misant sur une industrialisation verte et un encadrement équitable du commerce numérique.
Ils mettent aussi en lumière le potentiel, mais aussi les risques, de l’intelligence artificielle (IA). Actuellement, plus de 90 % du financement de la recherche et des brevets en IA sont concentrés dans un petit groupe de pays, ce qui appelle à une action urgente pour garantir que les pays en développement puissent participer à l’avenir numérique et y jouer un rôle actif.
La première table ronde s’est penchée sur le rôle de l’ECOSOC pour renforcer l’efficacité du système multilatéral à l’occasion du 80e anniversaire de l’ONU. Les participants ont souligné l’importance d’une réforme continue de cet organe, chargé de coordonner la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Alors que l’échéance de ce programme approche, l’ONU accélère ses efforts de modernisation. L’initiative « ONU80 », lancée en mars par le Secrétaire général, vise à évaluer la pertinence des mandats actuels de l’ensemble des organes onusiens et à recommander des ajustements structurels ou programmatiques si nécessaire.
M. Sherwin Bryce-Pease, modérateur de la table ronde, a encouragé les intervenants à formuler des propositions concrètes pour revitaliser l’ECOSOC. M. Guy Ryder, Secrétaire général adjoint chargé des stratégies de gestion et de la conformité, a plaidé pour plus de cohérence et moins de redondance dans les travaux du Conseil, une priorité de l’initiative ONU80 qui ambitionne de réévaluer plus de 4 000 mandats confiés par les États membres.
M. Gilbert F. Houngbo, Directeur général de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a rappelé que toute réforme devrait viser la justice sociale. Il a dénoncé la lenteur des négociations à l’ECOSOC, illustrant par exemple des discussions interminables sur des points de détail, alors que des millions de personnes attendent des actions concrètes.
Mme Kitty van der Heijden, Directrice exécutive adjointe de l’UNICEF, a insisté sur la nécessité de rendre l’ECOSOC plus réactif, soulignant qu’à peine un tiers des cibles ODD relatives aux enfants sont en voie d’atteinte. Elle reste cependant optimiste : c’est dans l’adversité que le système onusien a souvent su se réinventer.
M. Tomas Lamanauskas, Secrétaire général adjoint de l’Union internationale des télécommunications (UIT), a pour sa part défendu une meilleure synergie entre les organes. Il a mis en avant la progression de la connectivité : de 1 milliard de personnes connectées en 2005, on est passé à 5 milliards aujourd’hui. Toutefois, a-t-il averti, la réduction de la fracture numérique doit s’accélérer. La Chine a d’ailleurs lancé un appel à renforcer la coopération internationale dans les domaines du numérique et de l’IA, en prévision d’une conférence sur le sujet à Shanghai.
Des États membres ont présenté leurs avancées, comme l’Ouganda, qui compte désormais 34 % de femmes au Parlement, ou le Qatar, qui accueillera en novembre un sommet sur le développement social dont les conclusions devront être soutenues par l’ECOSOC.
L’Afrique du Sud a insisté sur le renforcement du Conseil dans les trois dimensions du développement durable (économique, sociale et environnementale), tandis que l’Union européenne a plaidé pour une coordination accrue des efforts et une évaluation rigoureuse. La Colombie a appelé à dépasser les clivages politiques pour défendre les ODD. La Russie a critiqué l’orientation idéologique prise par l’ECOSOC. L’Organisation internationale des employeurs a souligné l’importance du multilatéralisme pour la prospérité future, et le Bangladesh a dénoncé la tendance de forums comme le G20 à usurper les fonctions de coordination qui incombent à l’ECOSOC.
Bob Rae , président de l’ECOSOC
Dialogue politique : tendances mondiales, mondialisation et coopération Dans la dernière session de dialogue, le Président de l’ECOSOC, M. Bob Rae, a rappelé que l’organe avait depuis longtemps attiré l’attention sur les effets d’une mondialisation économique dérégulée, tant sur le plan interne qu’international, y compris ses conséquences environnementales.
La mondialisation a connu des mutations rapides sous l’impulsion des technologies, des choix politiques et des décisions économiques. Elle a contribué à réduire la pauvreté dans de nombreux pays en développement. Mais les tensions géopolitiques croissantes et les politiques protectionnistes fragilisent aujourd’hui le soutien à la coopération internationale et aux institutions multilatérales.
M. Rae a plaidé pour une mondialisation réancrée dans le multilatéralisme, avec l’objectif de « ne laisser personne de côté ». La modératrice du débat, Mme Elizabeth Cousens, a reconnu les critiques mais souligné que la mondialisation a permis de sortir des millions de personnes de la pauvreté. Elle a néanmoins reconnu que les mécanismes de redistribution sont restés insuffisants et que certaines entreprises ou individus disposent aujourd’hui de plus de pouvoir que des États.
Pour les panélistes, le Programme 2030 reste la référence d’une mondialisation inclusive et durable, bien que mis à rude épreuve. M. Suman Bery (NITI Aayog, Inde) a évoqué le désengagement croissant des grandes puissances des institutions qu’elles ont elles-mêmes créées, appelant à des mécanismes de contrôle externes pour des organisations comme le FMI ou l’OMC, afin d’éviter leur politisation.
Il a déploré une perception croissante des institutions comme étant au service des pays riches, prenant pour exemple l’Union européenne. Il a exhorté l’ONU à revenir à sa Charte et à se poser en rempart pour les plus vulnérables, tout en affirmant qu’il reste possible d’innover, même après 80 ans d’existence.
M. Mahmoud Mohieldin, Envoyé spécial de l’ONU pour le financement du Programme 2030, a quant à lui dénoncé un manque de cohérence dans l’action des institutions internationales. Il a aussi relevé la montée des régionalismes, qui, bien que porteurs d’opportunités, pourraient fragmenter davantage la gouvernance mondiale.
Mme Yuriko Koike, Gouverneure de Tokyo, a plaidé pour une résilience renforcée face aux crises comme la pandémie de COVID-19 ou la guerre en Ukraine. Elle a mis en avant la stratégie de développement durable de Tokyo, combinant croissance, emploi et action climatique, et proposé un « multilatéralisme des villes » pour pallier les reculs du multilatéralisme interétatique.
Mme Rosemarie G. Edillon, du ministère de l’économie des Philippines, a souligné les opportunités offertes par la transition démographique de son pays, tout en mettant en garde contre les risques d’exclusion liés aux technologies émergentes comme l’IA. Elle a comparé son potentiel transformateur à celui de l’électricité il y a un siècle, et plaidé pour un accès inclusif à ces outils.
María del Mar Bonkanka Tabares , Guinée équatoriale
Lors des échanges qui ont suivi, la Pologne a invité l’ECOSOC à renforcer sa cohérence et sa visibilité. La Guinée équatoriale a souhaité la consolidation de ses capacités techniques et l’institutionnalisation de ses mécanismes. Le Mexique a appelé à un rôle central de l’ECOSOC dans la coordination interinstitutionnelle, au bénéfice des pays en développement, et à une volonté politique forte pour adapter le système multilatéral aux enjeux contemporains. La Croatie a mis en avant sa position géographique stratégique pour un commerce plus fluide et un développement inclusif.
plénière de clôture du HLPF 2025
Le débat s’est conclu par l’adoption par consensus – et sous les applaudissements – de la déclaration ministérielle du débat de haut niveau (E/2025/L.16 – E/HLPF/2025/L.1), approuvée la veille par le Forum politique de haut niveau.
Le Royaume-Uni a tenté sans succès d’amender le paragraphe 48 sur « l’accès sans entrave » aux produits de santé – sa proposition a été rejetée (17 voix pour, 32 contre, 0 abstention).
Certains États, comme le Bangladesh, le Pakistan, le Paraguay ou la Russie, ont exprimé des réserves sur des formulations relatives aux discriminations multiples et intersectionnelles ou à la santé sexuelle et reproductive. Israël a renouvelé ses critiques sur le paragraphe 14, qui lie paix, développement et droit à l’autodétermination des peuples sous occupation.
Les États-Unis se sont dissociés de l’ensemble du texte, affirmant que les ODD vont à l’encontre des droits et intérêts du peuple américain. Ils ont dénoncé une tentative de l’ONU d’imposer des règles uniformes et critiqué les initiatives inclusives, qu’ils estiment incompatibles avec les droits individuels.
En réponse, le Mexique, au nom du Costa Rica, de l’Irlande, de la Suède et d’autres délégations, a défendu les ODD comme un socle essentiel, regrettant la montée de la fragmentation politique, la remise en cause du droit international et l’érosion du consensus autour du Programme 2030.
Photo de famille du Département des affaires économiques et sociales de l’ONU
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