Journal de bord du Forum politique de haut niveau 2022 - Jour 3

Publié le 11 juillet 2022


À l’International

Le Forum politique de haut niveau (FPHN) est un forum intergouvernemental annuel au cours duquel les pays examinent et rendent compte des progrès accomplis vers la réalisation des objectifs de développement durable. Le FPHN 2022 aura lieu du 5 au 15 juillet, sous le thème : Reconstruire en mieux après la maladie à coronavirus (COVID-19) tout en faisant progresser la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

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Session ODD 5 : Réaliser l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles

Table-ronde

Princesse de Jordanie, Mme Dina MIRED  : Selon le Fonds Malala, 20 millions de filles à travers le monde risquent de ne pas retrouver le chemin de l’école après la pandémie en raison de leur statut de fille. La pandémie a accéléré les dysfonctionnements suivants : violences conjugales, alcoolisme, stress. Il est nécessaire d’améliorer les politiques d’éducation et la prévention en s’appuyant sur des politiques fiscales qui visent la mise en place de taxes sur l’alcool, le tabac, les boissons sucrées… Nous devons nous attaquer aux facteurs de risque des groupes sociaux vulnérables pour aboutir à ce que les choix sains deviennent les plus faciles.

République démocratique du Congo : Les ODD sont indivisibles et se renforcent tous mutuellement. Malgré une forte mobilisation le siècle dernier, les récents traités, les progrès économiques et sociaux, les inégalités hommes/femmes subsistent. Les femmes sont encore sous-représentées dans le gouvernement et les postes de direction. Les avancées obtenues demeurent sujettes aux menaces persistantes de retours en arrière voire de régression, notamment en ce qui concerne le droit à l’avortement. Il est crucial d’exhorter les décideurs politiques à lutter contre les disparités entre sexes et à être audacieux pour les droits des femmes.

Département des statistiques de l’ONU : La part des femmes dans les postes de direction est en très légère augmentation. Néanmoins dans de nombreux pays, elles ne sont pas libres de leur choix sur leur contraception. Les violences sont encore très répandues. Les femmes sont encore plus touchées par les impacts indirects de la pandémie. Une fille sur cinq est mariée avant l’âge de 15 ans. Il faudra encore 40 ans, au regard des rythmes observés, pour atteindre les objectifs de parité dans le monde politique.
Rapport disponible sur le site internet de l’ONU : https://desapublications.un.org/publications/worlds-women-2020-trends-and-statistics

« La réalité est qu’aucun pays n’a atteint la parité homme-femme en 2022 », a renchéri Mme Peggy CLARK, Présidente du Centre international de recherche sur les femmes (ICRW) « et on assiste au recul du droit des femmes ces trois dernières années ».

Commission économique et sociale Asie occidentale (Mme Rola DASHTI) : Au rythme actuel, il nous faudra 179 ans pour parvenir à l’égalité femmes/hommes. Le chômage touche particulièrement les femmes. Elles ne sont pas prises en charge par les programmes de protection sociale. Ceux-ci ne sont pas à la hauteur des attentes. Il est nécessaire de réformer et de prendre en compte les problèmes spécifiques des femmes : accès à plus d’éducation, de postes qualifiés…

Institut national des femmes au Mexique (Mme Nadine GASMAN) : Il sera difficile pour le Mexique d’atteindre les objectifs de l’ODD5 d’ici 2030. Il est nécessaire d’aider les femmes à avoir un travail rémunéré pour leur émancipation et de leur garantir leurs droits. Pour autant, le Mexique occupe la 4ème place mondiale pour la représentation des femmes au Parlement. En réaction à la décision de la Cour suprême américaine, la Cour suprême du Mexique vient d’éliminer trois contraintes législatives au droit des femmes, dont la pénalisation de l’avortement.

Ouganda : Des progrès récents mais la pauvreté et la stigmatisation demeurent. Il subsiste des retards dans les soins et les décisions médicales. La mortalité maternelle a augmenté pendant la pandémie. Pour participer à la prévention de cette mortalité, des téléphones portables ont été distribués dans les zones reculées.

Zimbabwe : Les femmes ont eu accès à des formations consacrées aux fondamentaux du marketing numérique. Il faut souligner l’importance des nouvelles technologies pour renforcer les capacités et l’émancipation des femmes.

Délégation des jeunes au Danemark  : Il est nécessaire d’élaborer de nouvelles politiques pour réduire à néant les stéréotypes afin de contrer le recul des droits que l’on pensait acquis. Il est important d’œuvrer à l’échelle internationale pour supprimer les obstacles auxquels se heurtent les femmes.

Commission européenne : L’Union européenne a lancé son 3ème plan d’action sur l’égalité des genres en 2021. L’objectif est d’obtenir l’égalité des genres d’ici 2025. L’Union européenne et l’Organisation des Nations unies se sont engagées dans une nouvelle initiative mondiale pluriannuelle visant à éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles : l’Initiative Spotlight (26 pays concernés, 1,6 million de femmes ont eu accès à des dispositifs d’aides).

Afrique du Sud : Les conséquences de la pandémie ont été considérables pour les femmes. Priorité a été donnée à la lutte contre les violences sexuelles et les féminicides. 40% des achats du gouvernement sont réalisés avec des entreprises dirigées par des femmes. Celles-ci sont des créatrices de richesses et jouent un rôle essentiel dans le commerce. Le travail des femmes doit être mieux valorisé.

République tchèque : Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir. Les femmes s’occupent des enfants mais également d’autres membres de la famille.

Guatemala : La protection de la femme est primordiale. A ce titre, des unités mobiles ont été mises en place pour protéger les femmes.

Intervention France

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Les conséquences de la pandémie de la Covid-19 ont touché de façon disproportionnée les femmes et les filles, qui ont été indéniablement impactées par la pandémie, tout en ayant été les premières à mener la lutte.

Le président de la République a fait de l’égalité entre les femmes et les hommes la grande cause de ses deux quinquennats.

Sur le plan international, la France s’est engagée dans une diplomatie féministe qui concerne toutes les composantes de sa politique étrangère, conformément à la stratégie internationale pour l’égalité femmes - hommes de 2018.

Alors que les droits fondamentaux des femmes et des filles sont plus menacés que jamais, la France s’engage pour la promotion et la défense des droits et santé sexuels et reproductifs, à commencer par le droit à l’avortement sécurisé et à l’éducation complète à la sexualité pour toutes et tous (DSSR). A ce titre, la France a rappelé son soutien entier au Fonds mondial pour les survivant(e)s de violences sexuelles liées aux conflits, co-fondé Nadia Murad et le Dr Denis Mukwege.

La France consacre une part importante de son aide publique au développement (APD) à la lutte contre les inégalités de genre. En 2020, la part de l’APD répondant à cet objectif était déjà de 42% et l’objectif à terme de 75% est inscrit dans la loi. Au niveau de l’Union européenne, la France est déterminée avec ses partenaires européens à atteindre l’objectif de 85% d’APD genrée. La France soutient également les mouvements féministes, acteurs clés pour l’égalité de genre sur le terrain, notamment à travers le Fonds de Soutien aux Organisations Féministes (FSOF), doté de 120M€ sur trois ans (2020-2022).

Dans les enceintes multilatérales, la France porte cet agenda féministe et défend un langage ambitieux. Elle se félicite des 40 milliards de dollars de financements inédits qu’a permis de débloquer le Forum Génération Egalité.

La France réitère son engagement en faveur de l’égalité de genre, qui n’est pas seulement un droit humain fondamental mais aussi la condition nécessaire pour la réalisation de l’ensemble des ODD.


Vers le sommet des ODD de 2023

Interview de M. Kenza OCCANSEY, Vice-Président de la commission du CESE, membre de la délégation française

« Il faudra faire avec tout le monde si on veut réussir. On ne peut laisser personne de côté. Et ce d’autant plus après les crises que nous venons de traverser (COVID-19, guerre en Ukraine). Il faut réussir à mettre tout le monde autour de la table pour discuter : acteurs politiques, citoyens, associations, ONG. C’est ce message que nous portons cette semaine ! ».

Intervention de Damien BARCHICHE de l’IDDRI

Interview de Nils Pedersen délégué général du Global Compact France


ODD 14, vie aquatique, et lien avec les autres ODD

La vie sous-marine

Intervention de Peter Thomson Envoyé Spécial de l’ONU sur les océans Agrandir la figure 1881
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« La mobilisation des jeunes au sommet de Lisbonne sur les océans a été encourageante »
« Tout tourne autour des financements que l’on engagera pour sauvegarder nos océans, c’est cela qui compte »

L’océan nous unit. 3 milliards de personnes dépendent de la mer pour leur subsistance. La terre doit être habitable pour tous et les océans doivent demeurer dans un état correct. On ne peut régler la crise climatique sans régler celle relative à l’état des océans et vice-versa. On considère, malheureusement, l’environnement comme un acquis. La pandémie a illustré notre vulnérabilité face à la nature. Nous devons agir de façon plus responsable. Comprendre que les océans vivent et qu’ils sont également vulnérables notamment par une surconsommation de la biodiversité de nos mers. Le terme de « carbone bleu » était encore peu connu avant 2015. L’océan était traité comme un phénomène physique. Cependant, tout dépend des mers et des océans avec des interactions extrêmement complexes d’espèces qui vivent dans les bas-fonds. Nous avons, aujourd’hui, la capacité d’agir avec nos connaissances sur le fonctionnement des océans. Les conclusions du récent sommet de Lisbonne sont encourageantes. Il faut renforcer nos actions grâce à la science. Certains objectifs n’ont pas été tenus. Le problème du plastique et du commerce maritime reste prédominant. L’objectif est de protéger 30% des zones maritimes d’ici 2030 mais des pays comme la Colombie souhaiterait que cela soit fait avant 2030.

OMC : Un nouvel accord multilatéral contraignant sur la pêcherie a été conclu en juin 2022 après 21 ans de tractations, et concerne 164 pays. Il vise la réduction de la surpêche avec 50% des réserves menacées, l’Interdiction des subventions pour les pêches au large, la régulation des activités autour de la pêche, et l’utilisation de nouveaux critères pour un meilleur contrôle des subventions. 2/3 des pays membres de l’OMC devront finaliser le processus d’acceptation.

ONU : La conférence de Lisbonne a compté 6000 participants de 150 pays. Ont été adoptées des Mesures contraignantes sur la pollution plastique, l’appui aux PMA, la mise en œuvre d’actions grâce à la technologie. Une volonté des participants de respecter les 1,5 degré de hausse de température de l’Accord de Paris sur le Climat. C’est important que l’OMC ait conclu cet accord sur les océans en juin. Les investissements dans l’économie bleue sont à développer. Certains Etats ont pris des engagements supplémentaires mais les promesses financières sont insuffisantes.

ONU Statistiques : … Il faut mettre en place des mesures rapides pour lutter contre le réchauffement climatique et la surpêche. Les questions relatives aux millions de déchets non viables (17 millions de tonnes possibles actuellement et cela pourrait doubler d’ici 2040) à la forte hausse de l’acidification des eaux maritimes et les menaces sur les réserves halieutiques appellent à de nouvelles politiques plus ambitieuses.

Table ronde
70% de la valeur des actifs dépend de l’océan. Bon nombre d’ODD sont en lien avec l’ODD14 : L’océan produit de l’oxygène, une nutrition saine et de l’énergie. L’océan devient une réelle préoccupation selon la Banque mondiale. Il faut inclure les peuples autochtones des zones maritimes. L’économie bleue est indispensable pour la sécurité alimentaire. De nombreuses organisations soulignent le succès de la conférence de Lisbonne et notamment les prises de position de la France. 135 sociétés regroupées dans le pacte mondial pour œuvrer en faveur de la préservation des océans. Les délégations de jeunes prennent beaucoup d’initiatives, comme l’a souligné Peter THOMSON.


Événement virtuel organisé par la France

En marge du forum, la France a organisé le 7 juillet un évènement virtuel sur le thème : «  L’océan : un levier essentiel pour la mise en œuvre de tous les objectifs de développement durable – interactions et perspectives »

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Cette session était animée par Françoise GAILL, Directrice de recherche au CNRS.

Quelques extraits des interventions :

Eric BANEL, Directeur général de la DGAMPA, ministère de la mer :
« Pour agir ensemble et être plus efficaces nous avons porté plusieurs engagements et actions concrètes : l’alliance ambitieuse pour la nature et les COP qui a rallié 102 états, l’initiative sur les nouveaux plastiques et notre engagement pour un accord fort sur la protection de la biodiversité dans les zones situées au-delà des juridictions nationales (BBNJ - Biodiversity Beyond National Jurisdiction). Nous luttons également contre la pêche illégale. C’est une avancée majeure porteuse de sens pour l’avenir. »

Peter THOMPSON, Envoyé Spécial de l’ONU pour les océans :
« La France et le Costa-Rica ont donné une impulsion en proposant de co-organiser la prochaine conférence. C’est une formidable impulsion. »

Laurent BOPP, directeur de recherche au CNRS :
« L’ODD 13, lutte contre le changement climatique, est étroitement corrélée avec l’ODD 14. L’océan est un acteur clé du système climatique. C’est un allié silencieux et puissant dans l’atténuation du changement climatique. La préservation des écosystèmes marins est essentielle pour maintenir leur capacité d’absorption de la chaleur et du carbone. C’est là tout l’enjeu du carbone bleu. »

Francisco ARMANDO ARIAS, directeur général d’INVERMAR Colombie, institut chargé de la protection des espaces marins :
« Nous avons réussi à protéger 30% de nos zones maritimes. Mon institut est responsable du contrôle de toutes les données et nous avons travaillé en commun avec l’entreprise française SPYGEN pour concevoir le premier laboratoire marin permettant d’identifier des espèces végétales et animales marines à partir de leur ADN dans les zones marines. »

Pierre BAHUREL, directeur de Mercator Océan :
« Nous développons un jumeau numérique de l’océan pour sa gestion et sa gouvernance. C’est d’ores et déjà un pilier reconnu par les Nations-Unies, par la commission inter-océanique de l’UNESCO et par l’Union européenne, la commission européenne l’a inscrite à son agenda. Les informations disponibles en ligne peuvent être utilisées par les chercheurs, les administrations, les entreprises. L’objectif est de créer au niveau européen un centre de référence pour la prévision océanique et Mercator Ocean International a vocation à devenir une organisation intergouvernementale. »

Dipesh PABARI, directeur de l’ONG « The FlipFlopi » :
« Nous sommes submergés de plastiques qui se déversent partout dans les océans. Nous avons créé un centre de traitement pour trier les plastiques et les recycler. Nous essayons d’influencer les parlementaires pour voter des lois. Il ne faut pas sous-estimer le pouvoir d’un petit groupe pour changer le monde. »

Kestutis SADAUSKAS, Direction générale des affaires maritimes et de la pêche, DG MARE (UE) :
« Nous avons mobilisé des fonds dans le cadre du BBNJ qui devra être un traité juste et équitable. Nous lançons un appel pour limiter l’exploitation minière en milieux profonds ou lutter contre la pêche illicite. Nous travaillons à décarboner la pêche et les autres activités maritimes. Le jumeau numérique que l’on soutient servira au monde entier. »

Jorge ARANDA, Représentation permanente du Portugal aux nations-unies :
« Nous devons encore travailler collectivement pour soutenir l’ODD 14. Les autres ODD dépendent de la santé des océans. La conférence de Lisbonne est un élément transformateur. La communauté internationale a réagi positivement avec près de 700 engagements volontaires et la mobilisation de 4 milliards de $US. La mise en œuvre de l’ODD 14 a un lien étroit avec la future COP27. »

Olivier POIVRE D’ARVOR, Ambassadeur pour les pôles et les enjeux maritimes :
« La Présidence Française de l’Union européenne qui s’est achevée la semaine dernière a été très axée sur les océans. La France a pris de nombreuses initiatives en la matière, notamment en organisant l’Ocean summit de Brest en février, qui a contribué fortement au succès de la conférence Lisbonne. L’océan, comme d’autres sujets doit faire l’objet d’accords politiques. Il faut que les chefs d’état s’engagent. Nous voulons promouvoir une économie bleue et une diplomatie bleue. »

Françoise GAILL, Grand témoin :
« La majeure partie des océans n’est ni cartographiée ni observée d’où la nécessité de renforcer la recherche et l’innovation. Les points de vue politiques et scientifiques différents doivent trouver à s’exprimer dans le projet HIPPOS qui pourrait être proposé en 2025 à la prochaine conférence des océans. »