Journal de bord du Forum politique de haut niveau 2022 - Jour 5

Publié le 15 juillet 2022


Le Forum politique de haut niveau (FPHN) est un forum intergouvernemental annuel au cours duquel les pays examinent et rendent compte des progrès accomplis vers la réalisation des objectifs de développement durable. Le FPHN 2022 aura lieu du 5 au 15 juillet, sous le thème : Reconstruire en mieux après la maladie à coronavirus (COVID-19) tout en faisant progresser la mise en œuvre intégrale du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

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Vision de la société civile : Ne laisser personne de côté pour mieux se remettre

Mr. Liu Zhenmin, Secrétaire général adjoint chargé des affaires économiques et sociales des Nations unies : Le sommet mondial sur le développement en 2002 a été un tournant. Grâce aux actions de la société civile, beaucoup d’avancées et de progrès ont été faits. Le Sommet de 2023 sur les ODD sera déterminant.

Mabel Bianco, Présidente de la Fondation pour l’étude et la recherche sur les femmes, coprésident du Mécanisme de coordination des grands groupes et autres parties prenantes (MGoS) : faire entendre la voix des peuples. En septembre 2015, à l’AG Des Nations Unies (AGNU), adoption du programme donnant la possibilité de vivre mieux et de surmonter les problèmes ; insatisfaction 7 ans plus tard, la pandémie a remis en cause nombre de ces progrès. Pas d’engagement véritable en cours. Il faut des actions et des réponses concrètes, des engagements politiques renouvelés. Appel à notre courage et notre engagement politique.

Table ronde :

Retards accentués par la pandémie. Priorité à l’équité vaccinale mais la situation est toujours tendue (certains pays africains n’ont qu’un pour cent de leur population vaccinée). Un quart de la population mondiale peut tomber dans l’extrême pauvreté. Il faut associer toutes les dettes multilatérales mais peu de progrès sur cet aspect. Le Rapport du GIEC indique qu’il faut agir plus vite jusqu’en 2025 pour atténuer les changements climatiques.

Wezzie Chimwala, Gestionnaire du suivi et de l’évaluation, Services volontaires à l’étranger (VSO), Malawi  : le bénévolat peut faire progresser l’atteinte des ODD. C’est une passerelle entre les gouvernements et les communautés. Les gouvernements doivent reconnaître ces bénévoles.

Wali Haider, Directeur conjoint de « Roots for Equity, Focal Point for Farmers », groupe du PNUE, et coprésident du Mécanisme d’engagement régional des OSC de l’Asie-Pacifique (APRCEM) : pour l’ODD2, l’enjeu est contrôler les terres en devenant propriétaire. Il faut créer des synergies pour une agriculture durable, juste et équitable.

Emilia Reyes, Directeur de programme, Politiques et budgets pour l’égalité et le développement durable, « Equidad de Género : Ciudadanía, Trabajo Famili » : les pays riches doivent agir et contribuer financière. C’est l’absence de moyens qui conduit à la situation actuelle. Il faut une réunion d’urgence des Nations Unies.

Svetlana Slesarenok, Fondatrice et directrice, Club des femmes de la Mer Noire, Odessa, Ukraine Agrandir la figure 1923
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Svetlana Slesarenok, Fondatrice et directrice, Club des femmes de la Mer Noire, Odessa, Ukraine : 8 millions de personnes déplacées. Cette guerre est une guerre contre l’Ukraine, contre l’humanité, contre les ODD. Pas de durabilité sans la paix. L’Ukraine est en feu, notre planète est en feu. La communauté internationale doit agir pour ne plus recourir aux énergies fossiles.


Session : Présentation des Revues Nationales Volontaires de l’Argentine, le Ghana, la Lettonie, les Philippines et la Suisse

Compte-rendu :

Lors du Forum Politique de Haut Niveau sur le développement durable (FPHN), 44 pays procéderont à des Revues Nationales Volontaires de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable. Evaluant l’avancement de la mise en oeuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD) au niveau national, les revues nationales visent à faciliter le partage d’expériences, y compris les réussites, les défis et les leçons apprises, en vue d’accélérer la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Le but est également de renforcer les politiques et les institutions des gouvernements afin de mobiliser un soutien multipartite venant de la société civile et du secteur privé pour la mise en œuvre des ODD. Cette session a ainsi permis à la Lettonie, les Philippines, la Suisse, l’Argentine et le Ghana de présenter leurs différentes avancées :

  • Pour la Lettonie, Madame Anita Muižniece, Ministre de l’Education et de la Science, a mis en avant l’aide humanitaire apportée à l’Ukraine et ses ressortissants suite au conflit avec la Russie. La Lettonie a également participé aux différentes enquêtes pour clarifier la nature des crimes de guerre russes. Concernant la lutte contre la pauvreté, l’augmentation du seuil de revenu minimum a été acté, couplée à la mise en place d’une politique éducative proactive se concentrant sur les populations les plus défavorisées. Enfin, les aspects de finance durable sont portés par le pays avec l’émission d’une obligation souveraine verte d’une maturité obligataire de 8 années.
  • Pour les Philippines, Monsieur Enrique A. Manalo, secrétaire aux Affaires étrangères, s’est félicité d’une mobilisation efficace des ressources dédiées aux ODD grâce à une programmation budgétaire délibérée par le Comité de Coordination du Budget de Développement auquel appartient le sous-comité sur les ODD. L’évaluation des impacts de ces investissements est réalisée en synergie avec le Sustainable Development Goals Watch (« SDG Watch »), et l’autorité philippine des statistiques. Un système de suivi communautaire doit être prochainement mis en œuvre par les unités gouvernementales locales, afin de participer à cette évaluation.
  • Pour la Suisse, Monsieur Jacques Ducrest, vice-ministre, secrétaire d’Etat et délégué du Conseil Fédéral pour l’Agenda 2030, a présenté une Revue Nationale Volontaire 2022 entièrement numérisée, tout comme son processus d’inventaire, au moyen d’une solution numérique sur mesure appelée "SDGital2030". Des représentants de la Confédération, des cantons et des communes, ainsi que de nombreux acteurs du secteur privé, de la communauté scientifique et de la société civile, ont été invités à participer à l’état des lieux 2018-2022, afin d’illustrer leurs contributions à la mise en œuvre des ODD. La Suisse a complété sa revue volontaire par une annexe statistique éditée par l’Office Fédéral de la Statistique et basée sur le système d’indicateurs « MONET 2030 ». Cette base de données est en open source, afin de faciliter sa publicité.
  • Pour l’Argentine, Professeur Marisol Merquel, présidente du Conseil National de Coordination des Politiques Sociales, a mis en avant un dialogue régional particulièrement développé avec 22 des 23 provinces argentines ayant rejoint le programme Agenda 2030. Cela s’accompagne d’un réseau de participation citoyenne afin de continuer le suivi, l’évaluation mais aussi la remontée d’informations. Un nouveau processus d’alignement des stratégies nationales sur les ODD est piloté par le Conseil National de Coordination des Politiques Sociales et mené sous l’égide de la Commission Nationale Inter-Agences. L’Argentine met en avant la ‘’nécessaire redistribution des richesses’’ afin de pourvoir aux besoins des plus vulnérables et de faire de la solidarité une valeur centrale de la mise en œuvre des ODD.
  • Pour le Ghana, Professeur George Gyan-Baffour, président de la Commission Nationale de Planification du Développement, a présenté les programme CARES et YouStart pour soutenir dans les trois prochaines années les start-ups et les petites entreprises dirigées par des jeunes. Cette aide combine logistique, apport technique ainsi que des prêts à des conditions avantageuses pouvant atteindre 50.000 Cédi Ghanéens. L’autre priorité du gouvernement est de réduire la déscolarisation en forte hausse suite à la crise sanitaire. Les politiques mis en place visent en particulier la scolarisation des personnes les plus démunies et notamment des femmes. L’égalité femmes-hommes est également mesurée au travers de la participation des femmes au Parlement et au sein d’autorités locales. Enfin, dans le cadre de la lutte contre le changement climatique et de la dégradation de la biodiversité, une campagne de reboisement de 20 millions d’arbres a été lancée.

Session : Présentation des Revues Nationales Volontaires de la Biélorussie, du Salvador, Eswatini, de la Gambie, de la Grèce, du Mali et des Émirats Arabes Unis.

Compte-rendu :

Un nouveau panel de pays a présenté leurs Revues Nationales Volontaires lors de cette session, avec par la suite la traditionnelle session de questions-réponses, marquée par des échanges tendus entre les délégations biélorusse, russe d’une part, et de l’Union Européenne de la Pologne d’autre part. Cette discussion a été introduite par Madame Lachezara Stoeva, vice-présidente du Conseil Economique et Social des Nations Unies (ECOSOC). Il est à noter que l’ensemble des pays s’accordent sur le retard dont souffre la mise en œuvre des Objectifs de Développement Durable (ODD) dans le contexte de la pandémie et de la difficile reprise économique.

  • Pour la Biélorussie, Vladimir Makeï, Ministre des Affaires étrangères, déplore les sanctions contraignantes des pays occidentaux imposées au pays, jugées “illégales” et qui ralentissent la mise en œuvre des ODD. Ces sanctions pourtant n’auraient pas empêché le pays de réaliser des progrès importants en matière d’ODD qui placeraient désormais la Biélorussie parmi les pays développés et leaders dans la mise en oeuvre des ODD. En témoignerait ainsi l’éradication totale de la pauvreté, la couverture en électricité de tout le pays, ou encore l’accès à l’eau potable pour 95% de la population. L’intégration des ODD dans la Stratégie Nationale de Développement Durable jusqu’en 2035, également alignés sur les programmes de développement socio-économique du gouvernement, est prébiscitée. S’ajoute à cela la création d’une liste régionale unifiée d’indicateurs afin de refléter les spécificités du développement local. Concernant le système éducatif, un cadre pour l’apprentissage tout au long de la vie est en cours de mise en œuvre. L’accès à l’éducation pour les élèves ayant des besoins spéciaux reste une priorité avec le développement de l’éducation inclusive. En termes d’égalité femmes-hommes, la Biélorussie se félicite de l’absence d’écarts de salaires toutes choses égales par ailleurs. Le pays met enfin en avant sa volonté de travailler avec l’ensemble des parties prenantes (partenaires internationaux, représentants de la jeunesse) pour “apporter un leadership positif à la mise en œuvre des ODD au niveau mondial”. Lors des questions, les représentants de l’Union européenne, de la Pologne, mais aussi les des associations pour le droit des femmes ont vivement critiqué la présentation mensongère de la Biélorusssie qui falsifie selon eux les données statistiques et qui s’oppose en tout à la réalité sociale de la Biélorussie : tortures des opposants politiques, exécutions arbitraires, etc. lesquels sont incompatibles avec des progrès en matière d’ODD. La Biélorussie a ensuite condamné la volonté de l’Union européenne de politiser l’arène de discussion des ODD, la considérant comme “hors-sujet”. La Russie a également réagi à la présentation biélorusse, la félicitant pour les progrès accomplis. Les Philippines et l’Azerbaïdjan ont demandé des compléments à la Biélorussie sur la méthode par laquelle le pays avait “réussi”, respectivement, à atteindre l’égalité femmes-hommes et à inclure la jeunesse, notamment les filles et des femmes, dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques en matière d’ODD.
  • Pour Eswatini, Dr. Tambo Gina, Ministre de la planification économique, rappelle que son pays présente pour la deuxième fois sa revue nationale volontaire, la première ayant eu lieu en 2019. Il déplore que les efforts et plans mis en œuvre continuent d’être compromis par le manque de données crédibles et actualisées. Les communautés doivent être sensibilisées afin de pratiquer une agriculture respectueuse du climat pour réduire les risques de catastrophe. La plantation d’arbres pour prévenir la dégradation des terres est également encouragée. L’impact de la pandémie a cependant mis en péril l’atteinte de plusieurs objectifs comme la réduction de la pauvreté, le taux d’emploi ainsi que la malnutrition infantile. Le pays a fait des progrès dans la scolarisation en école primaire, dans l’égalité entre les femmes et les hommes ou encore dans l’action climatique, en signant de nombreux traités internationaux dans ces matières, mais il reste nécessaire de renforcer l’application de politiques de soutien pour les droits des femmes dans la société et leur participation à l’activité économique.
  • Pour la Gambie, Fatou Kinteh, Ministre de la Femme, de l’Enfant et de la Protection Sociale alerte sur les risques que font peser la crise sanitaire et la crise en Ukraine sur la sécurité alimentaire. Un besoin d’investissements et de développement de partenariats reste un enjeu majeur pour soutenir le système de santé. En effet, l’absence d’installations appropriées, le nombre insuffisant de professionnels et l’insuffisance des équipements médicaux ont créé des pressions supplémentaires bien au-delà de la capacité du système de santé national. On peut souligner la mise en place du Programme de Développement Communautaire Accéléré, afin de remédier aux disparités en matière d’opportunités socioéconomiques et d’accès dans les zones rurales et urbaines. Enfin, le pays a créé le nouveau ministère de la Femme, de l’Enfance et de l’Action sociale, ainsi que le Fonds pour les Entreprises Féminines dans le cadre de son engagement en faveur de l’autonomisation des femmes.
  • Pour la Grèce, Monsieur Akis Skertsos, Ministre d’Etat chargé de la coordination des politiques du Gouvernement, accompagné d’un représentant des collectivités municipales, a rendu compte des efforts en matière de réforme de la gouvernance : ainsi, l’an prochain, la Grèce sortira de 12 années de surveillance macroéconomique internationale. Cette prise en main du pays après une décennie de crise a permis de restructurer la dette, d’engager de nombreuses réformes structurelles et de créer des indicateurs de suivi des politiques publiques. La pandémie a joué le rôle de catalyseur de ces évolutions, la Grèce répondant à la pandémie de covid-19 mieux que prévu. Le modèle socio-économique reste la fragilité du pays malgré un taux de croissance dynamique ces dernières années : relever ces défis nécessitera, selon le Ministre grec, de la volonté politique, de la confiance de la population dans ses institutions, et de l’inclusion active de l’ensemble des parties prenantes, en particulier au niveau local, dans la mise en oeuvre des ODD.
  • Pour le Mali, Monsieur Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, a déploré la situation politique et sécuritaire difficile de son pays, cause du ralentissement de la mise en œuvre des ODD. Cette juxtaposition de crises (insécurité, terrorisme, conflits inter-communautaires, pandémie) a entraîné l’augmentation de la pauvreté, la fermeture d’écoles et une persistance des inégalités. Le Mali en appelle à l’aide internationale pour financer son développement et permettre la réalisation des ODD. La lutte contre la pandémie de covid-19 ne doit pas faire oublier que le Mali est confronté à de nombreuses autres maladies qui nécessitent davantage d’investissement dans le système de santé (VIH, malaria, tuberculose).
  • Pour les Emirats Arabes Unis, Monsieur Abdulla Lootah, directeur général des services du Premier ministre des Emirats arabes unis, a mis en avant la plateforme centralisée de suivi de la réalisation des ODD. La contribution quotidienne de tous les ministères concernés au système ADAA permet un contrôle étroit des ODD et le représentant des EAU appellent tous les pays volontaires à rejoindre ce système. Toutes les parties prenantes sont associées par le biais de comités consultatifs (secteur privé, jeunesse, universitaires, ONG…) ; le principal pilote des ODD dans le pays étant le comité national des ODD. Un programme d’”écoles digitales” a été déployé, à destination en particulier des populations les plus vulnérables. Selon les Emirats arabes unis, qui accueilleront la COP 28, le changement climatique “n’est pas seulement une menace existentielle mais aussi une opportunité économique” : le pays investit ainsi massivement dans les énergies renouvelables et a pour objectif d’atteindre 30% de terres et eaux protégées d’ici 2030, ainsi que la neutralité carbone en 2030. Dans les réactions, le Maroc et Singapour se montrent intéressés par le système de monitoring mis en place par les EAU et le Mali a demandé des précisions supplémentaires sur le programme d’écoles digitales. Le Royaume-Uni ainsi que les représentants de la jeunesse ont rappelé le rôle majeur des énergies fossiles dans le modèle économique des EAU. Les représentants de la jeunesse ont également critiqué la faible inclusion des personnes handicapées sur le marché du travail aux Emirats.
  • L’intervention de Sophia Tesfamariam Yohannes, représentante permanente de l’Erythrée auprès des Nations Unies, est principalement axée sur l’ODD 3 (bonne santé et bien-être) et 13 (changement climatique). Les avancées en matière de santé ont permis une augmentation de l’espérance de vie grâce notamment à un meilleur accès de la population aux infrastructures de santé. L’adaptation au changement climatique se matérialise par le développement des énergies renouvelables, la mise en place de plans de conservation de l’eau et des sols, dans une approche globale, élaborée entre tous les ministères. La mise en place de politiques récentes espère jeter les bases d’un développement inclusif tout en garantissant une série de droits fondamentaux. Les instruments juridiques et les programmes de protection devraient répondre en particulier aux besoins spécifiques des groupes vulnérables et catalysent les progrès en leur faveur.