Enjeu 4 : Agir pour la santé et le bien-être de toutes et tous

Agir pour la santé et le bien-être de toutes et tous, notamment via une alimentation et une agriculture saine et durable

Enjeu 4 - 2.2 En voie d’amélioration

Publié le 23 juin 2023

Toutefois, si les actions impulsées vont dans le bon sens, des efforts restent à fournir, la France reste traversée par des inégalités socioéconomiques qui ont des répercussions sur les milieux de vie (habitat, transport, conditions de travail, soutien social), sur la santé mentale et sur le niveau d’éducation sanitaire et alimentaire. Des ressources faibles et un retard d’accès à l’information peuvent entraîner des comportements dommageables pour la santé qui continuent de creuser les inégalités. Les problèmes de malnutrition et d’obésité, qui touchent en particulier les populations défavorisées, restent un enjeu essentiel.

Bien que le système de santé français soit universel, les taux importants de non-recours aux soins viennent diminuer son efficacité. Ce phénomène peut s’expliquer par une mauvaise réception des informations, la complexité d’accès aux aides ainsi que l’effet stigmatisant du recours à l’aide ressenti par certains. La France connaît également des inégalités territoriales en matière d’offre des services de santé requis pour atteindre l’objectif de « bonne santé ». Enfin, les pollutions environnementales peuvent être concentrées dans des régions spécifiques et réparties de manière disparate.

Priorité 4.1 - Permettre à chacun d’avoir un accès aux soins facilité et structuré

Si en France, la couverture santé est universelle, le taux de non-recours aux prestations sociales est important. Il est évalué à 50 % pour la complémentaire santé solidaire [1], qui permet aux personnes ayant les revenus les plus faibles de bénéficier d’une couverture santé quasiment gratuite (selon les ressources du foyer) et remboursant la grande majorité des frais médicaux (médecin, dentiste, infirmier, hôpital, médicaments, etc.). Cette aide, née en 2019 de la fusion entre la couverture maladie universelle complémentaire et l’aide au paiement d’une complémentaire santé, n’a eu qu’un impact limité sur l’amélioration du taux de recours. Afin de poursuivre les efforts en ce sens, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a prévu une automatisation de l’accès à la complémentaire santé solidaire aux bénéficiaires de minimas sociaux qui y seraient éligibles compte tenu de leurs ressources.

Les mêmes inégalités s’observent face au non-recours à l’aide alimentaire (cf. infra). Il est estimé qu’elle devrait concerner environ 5,5 millions de personnes en France. Pourtant, cette démarche, souvent complexe et méconnue, peut être perçue comme stigmatisante. Seules 2 millions de personnes en bénéficient effectivement [2]. Pour lutter contre le non-recours, l’État expérimente depuis 2018 [3] des méthodes de datamining [4] pour cibler et contacter des allocataires potentiellement éligibles à certains droits.

Améliorer la santé des personnes, c’est agir pour le bien-être, aussi bien physique que psychique. Sur ce dernier point, les indicateurs de satisfaction globale dans la vie stagnent depuis 2010 autour de 7 sur une échelle de 0 à 10 [5]. Les problèmes de santé mentale ont augmenté, particulièrement chez les jeunes. Un syndrome dépressif a été détecté au moins une fois chez près d’une personne sur quatre entre mai 2020 et juillet 2021. Chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans, cela concernait plus de 4 femmes sur 10. De fait, la consommation de médicaments psychotropes a augmenté depuis la pandémie et les tentatives de suicide chez les jeunes sont en hausse depuis la fin de l’année 2020 [6] . La France s’est engagée pour améliorer l’accès aux soins en santé mentale, notamment avec le dispositif MonPsy, entré en vigueur en 2022, qui prévoit un remboursement intégral de séances d’accompagnement psychologique dans le cadre d’un parcours de soins simplifié.

Le manque d’informations, d’accès à l’éducation pour des raisons économiques et/ou de temps (cumul d’emplois, heures supplémentaires, horaires décalés, migrations pendulaires importantes, famille nombreuse) creusent d’autres inégalités de santé. La France reste encore très touchée par le tabagisme et l’alcool, particulièrement dans certains groupes sociaux. Ces habitudes en baisse restent supérieures à la moyenne européenne. L’obésité est en augmentation, notamment chez les jeunes en métropole et en outre-mer, comme au niveau international où le phénomène est en hausse, concernant un quart des populations de pays à revenus élevés [7].

Le manque d’accès à l’information et à l’éducation alimentaire ainsi qu’un manque de moyens financiers peuvent expliquer un plus fort taux de personnes en surpoids/obèses ou de conduites à risque (tabac, alcool) parmi les populations les plus défavorisées. En 2019, la part de personnes obèses est 2 à 3 fois plus élevée parmi les personnes non diplômées ou titulaires d’un certificat d’études que parmi les titulaires d’un diplôme de niveau bac+3 ou plus. En 2017, un enfant d’ouvrier en classe de troisième a plus de deux fois plus de risque d’être en surpoids qu’un enfant de cadre du même âge. Pour l’obésité, cette différence est encore plus importante puisque, en classe de troisième, c’est 7,5 % des enfants d’ouvriers qui souffrent d’obésité, contre 2,7 % des enfants de cadres [8] . On observe plus d’habitudes de vie défavorables à la santé dans les populations les moins favorisées, et ceci a un impact direct sur leur espérance de vie. Entre 2012 et 2016, parmi les 5 % les plus aisés, dont le niveau de vie moyen est de 5 800 euros par mois, l’espérance de vie à la naissance des hommes est de 84,4 ans. Parmi les 5 % les moins aisés, dont le niveau de vie moyen est d’environ 500 euros, l’espérance de vie à la naissance des hommes est de 71,7 ans [9] . Pour lutter contre ces disparités, différentes stratégies nationales mettent l’accent sur la prévention, via par exemple le PNNS 2019-2023, le programme national pour l’alimentation (PNA) 2019-2023 et le plan Priorité prévention mis en place en 2018. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 se veut également volontariste, avec la mise en place de rendez-vous de prévention aux âges clés de la vie.

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Figure 2307

Les inégalités d’accès aux soins en France sont également fortement liées à une inégale répartition des services de santé sur le territoire. Comme indiqué dans l’enjeu 1, même si les politiques publiques actuelles mesurent l’importance du problème et laissent espérer une amélioration, les « déserts médicaux » persistent dans certaines régions, où le nombre de médecins baisse fortement et n’est plus suffisant pour répondre aux besoins de la population. Ces déserts sont souvent situés dans des zones où vivent les populations les plus précaires (quartiers définis comme prioritaires et zones rurales), aggravant les inégalités de santé déjà évoquées. Le plan Ma santé 2022 a mis en place différents moyens pour pallier cette situation en créant notamment des incitations pour les médecins à s’installer dans ces régions spécifiques et en soutenant le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

Aux côtés des centres de santé et hôpitaux, ces CPTS regroupent des professionnels qui s’associent pour répondre aux besoins de santé et pour assurer des missions de proximité dans les territoires. Depuis la crise sanitaire, la télémédecine est également encouragée pour renforcer l’accessibilité des soins pour tous. D’autres mesures sont prévues par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 afin de lutter contre la pénurie de médecins dans les territoires, comme la création d’une 4e année d’internat de médecine générale, ou encore l’élargissement de la permanence des soins dans les territoires. Toutefois, les inégalités d’accès aux soins restent prégnantes en outre-mer avec un manque de médecins spécialistes, une mortalité infantile double de celle de la métropole et des taux de séropositivité dix fois supérieurs.

Priorité 4.2 - Limiter les atteintes à la santé humaine dues à un environnement dégradé

L’accès à un environnement sain est hétérogène en France. La pollution de l’air en France se concentre dans certaines parties du territoire, notamment autour des centres urbains, dans des zones très industrialisées (Fos-sur-Mer, Dunkerque, Lyon...) et dans certaines vallées alpines (la vallée de l’Arve...) [10] . L’établissement Santé publique France estime que la pollution de l’air extérieur représente 48 000 décès prématurés par an [11] , soit 9 % de la mortalité en France et à une perte d’espérance de vie à 30 ans pouvant dépasser 2 ans. En 2016, si toutes les agglomérations françaises respectaient la valeur recommandée par l’OMS pour les PM2,5 (10μg/m3), ce sont plus de 17 000 décès qui pourraient être évités chaque année en France, selon la même source [12] .

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Figure 2308

En matière d’impact économique, la Commission d’enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l’air du Sénat estime que le coût total de la pollution de l’air (extérieur et intérieur) s’établit entre 68 et 97 milliards d’euros par an pour la France, dont une très large part est liée aux impacts sanitaires [13]. Les centres urbains français principaux continuent de présenter des dépassements des seuils réglementaires de « qualité de l’air pour la protection de la santé humaine à long terme » (pour les niveaux de particules dits PM10, pour le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3), en 2018). Ils sont toutefois au plus bas depuis les années 2000 (37 agglomérations étaient concernées contre 9 en 2019) [14] [15]. La pollution de l’air des zones rurales au moment des épandages agricoles a également un impact sanitaire pour les agriculteurs et les riverains. Afin d’assurer leur protection, des zones de non-traitement à proximité des lieux d’habitation et des lieux accueillant des travailleurs réguliers existent, par l’application de deux textes entrés en vigueur au 1er janvier 2020. Ainsi, des distances de sécurité ont été définies selon plusieurs critères liés au risque des produits et à la nature des cultures, allant de 5 m minimum à une distance de 20 m incompressible pour une liste de produits comportant des mentions de danger préoccupantes.

Priorité 4.3 - Assurer une agriculture et une alimentation sûres, saines et durables pour tous et à toutes les échelles

La loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (2021) prévoit que soit élaborée d’ici le 1er juillet 2023 une stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat (SNANC). Elle déterminera les orientations de la politique de l’alimentation durable, moins émettrice de gaz à effet de serre, respectueuse de la santé humaine, davantage protectrice de la biodiversité, favorisant la résilience des systèmes agricoles et des systèmes alimentaires territoriaux et garante de la souveraineté alimentaire. Elle conduira également les orientations de la politique de la nutrition, en s’appuyant sur le PNA et sur le PNNS.

Une alimentation plus saine et plus durable en restauration collective, au 1er janvier 2024, 60 % des produits « viandes et poissons » devront être durables ou sous signe d’origine et de qualité, pour tous les restaurants collectifs publiques et privés (et 100 % dans les restaurants collectifs gérés par l’État, ses établissements publics et les entreprises publiques nationales).

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Les enfants d’ouvriers (classe de 3e) ont deux fois plus de risque d’être en surpoids. En 2017, cela représente 7,5 % d’enfants d’ouvriers contre 2,7 % d’enfants de cadres

Malgré un panel de mesures prises, la malnutrition et les problèmes de santé qui en découlent restent des problématiques à améliorer. En effet, des taux importants de malnutrition et d’obésité persistent, corrélés en outre avec les dynamiques de pauvreté. Le surpoids et l’obésité constituent des problèmes de santé publique d’ampleur et touchent davantage les adolescents de milieux ouvriers (24 % et 7,5 % respectivement) que les enfants de cadres (12 % et 2,7 % respectivement) pour une moyenne de 18 % des adolescents en surpoids et 5,2 % en obésité en 2017 [16]. Aujourd’hui, près d’un Français sur deux est en surpoids et 17 % de la population adulte est en situation d’obésité, soit 8,5 millions de personnes.

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En 2021, 7,2 % des ménages renoncent à la consommation de protéines pour des raisons financières (8,2 % en 2020)

Alors que l’excès de poids touche davantage les personnes âgées avec 57,3 % des 65 ans et plus contre 23,2 % des 18-24 ans, c’est dans les tranches d’âge les plus jeunes que l’augmentation de prévalence de l’obésité au fil des ans est la plus forte. Le taux d’obésité est passé de 5,4 % en 2012 à 9,2 % en 2020, soit une hausse de 70 %. 34 % des enfants de 2 à 7 ans et 21 % des 8-17 ans sont également en situation de surpoids ou d’obésité en France en 2020 [17]. L’accès aux sources de protéines et de vitamines reste lui aussi inégal [18] , malgré un travail de sensibilisation mené depuis plusieurs années. Le renoncement à la consommation de protéines pour des raisons financières concernait 7,2 % des ménages en 2020 contre 7,9 % en 2011 [19].

Les banques alimentaires ont augmenté leur offre de 20 % en 2020 [20] [21] (à titre d’exemple, dans la situation en outre-mer, en Guyane, 6 000 familles ont reçu des chèques services et 290 000 enfants ont bénéficié de panier‑repas pour remplacer la cantine, parfois unique repas de la journée). En 2021, dans un contexte inflationniste, 37 % des Français peinaient à consommer des fruits et légumes frais tous les jours [22].

Le plan France relance a dédié une mesure intitulée Alimentation locale et solidaire à l’accompagnement de projets permettant aux personnes modestes ou isolées d’accéder à une alimentation locale et de qualité, avec une enveloppe de 30 millions d’euros. Le Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire (Cocolupa) réunit pour la première fois le 8 septembre 2020. Il réunit tous les acteurs liés à la lutte contre la précarité alimentaire et a pour vocation de coordonner ces acteurs et de contribuer à faire évoluer le modèle français de lutte contre la précarité alimentaire. Depuis l’automne 2021, huit groupes de travail (GT) du Cocolupa travaillent sur chacun des objectifs du plan d’action en vue d’améliorer l’accès de tous à une alimentation de qualité nutritionnelle et durable. Un fonds pour une aide alimentaire durable de 60 millions d’euros sera dédié à ces objectifs en 2023. Ce fonds aura notamment pour objectif d’améliorer la qualité écologique et nutritionnelle des aliments distribués par les acteurs de l’aide alimentaire, en ciblant des achats de fruits et légumes et de produits sous label de qualité, ainsi que le soutien d’alliances locales de solidarité alimentaire « producteurs-associations-collectivité » qui permettront de donner accès aux produits en circuits courts ou sous label de qualité aux plus modestes.

La lutte contre le gaspillage alimentaire, sur lequel la France prend d’importantes mesures comme mentionnées dans la partie « Progrès accomplis » de l’enjeu 1 peut également constituer une piste pour en ce sens, dans un contexte où 20 % des aliments sont toujours gaspillés en France, soit 150 kg par an et par personne selon l’Ademe [23] , via la diversification des sources de don alimentaire mais aussi via la réduction du gaspillage chez les ménages.

Avec le programme national de l’alimentation, l’État soutient des projets qui visent l’accès autonome à l’alimentation et qui viennent en complémentarité de l’aide alimentaire. D’autres leviers importants sont également activés, comme la tarification sociale des cantines ou les petits déjeuners à l’école, dans le cadre de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté (action 19 du programme 304).

L’Union européenne est également partie prenante de la lutte contre la précarité alimentaire à travers le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) qui est intégré pour la période 2022-2027 au sein du Fonds social européen Plus (FSE+).

Depuis 2018, la loi Egalim [24] mobilise les acteurs capables de venir en aide aux populations en état de précarité alimentaire, à travers le recours à l’aide alimentaire ou encore aux épiceries sociales et solidaires.


[4Processus d’analyse de volumes massifs de données sous différents angles afin d’identifier des relations entre les data et de les transformer en informations exploitables.

[15Insee, Indicateurs pour le suivi national des objectifs de développement durable, 2021 (ODD11 : « Particules (PM10) dans les villes ») : concentration moyenne annuelle des particules (PM10) en fond urbain : 16 μg/m³ : -15,8% sur 2014-2019.

[204,7 millions de personnes bénéficiaient de l’aide alimentaire avant la pandémie.

[22Ipsos, Secours Populaire, Résultats 16e baromètre Ipsos / Secours Populaire, 2022.


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