Enjeu 6 : Construire une transformation durable européenne et internationale

Enjeu 6 - 2.3 Défis à relever

Publié le 23 juin 2023

L’Agenda 2030 pose la question de la mise en cohérence de l’ensemble des politiques publiques pour le développement durable. La recherche met au jour les fortes interactions entre ODD et les retombées, positives comme négatives, de l’action d’un État sur les pays tiers. Face à ces enjeux nouveaux, la France s’engage avec ses partenaires européens pour trouver des solutions opérationnelles. Par ailleurs, la France a défini des priorités géographiques fortes pour sa politique de développement, répondant à une double logique d’efficacité et de solidarité, mais dont tous les objectifs ne sont pas encore atteints.

Priorité 6.1 - Promouvoir le développement durable comme fondement nécessaire de la stabilité internationale

Face à une intégration toujours croissante des systèmes économiques et des chaînes de valeur, la France s’efforce d’améliorer la cohérence de ses politiques pour le développement durable, notamment en renforçant leur pilotage global et la coordination interministérielle [1]. La France doit agir sur les externalités (positives comme négatives) de son action sur les pays partenaires, en particulier les pays les moins avancés et en voie de développement, et donc tenir compte des conséquences de ses politiques internes à l’international.

Si ces retombées sont méthodologiquement difficiles à évaluer, des travaux de plus en plus nombreux essaient d’en estimer les impacts économiques, sociaux et environnementaux.

Eurostat [2] constate ainsi une différence non-négligeable entre les émissions carbones réalisées sur le territoire de l’UE (3,2 Gt en 2018) et les émissions dont la consommation européenne est directement responsable (3,6Gt). L’empreinte environnementale de la consommation agricole de l’UE était également déficitaire avec en 2019 un total net de 20millions d’hectares de terres cultivables à l’étranger dédiées à la consommation européenne (soit l’équivalent de 12 % des terres cultivables de l’UE). Au total, l’UE importerait 40 % des matières premières nécessaires à sa consommation, avec de potentiels impacts environnementaux dans des pays n’ayant pour certains pas mis en place de réglementations strictes. Cette question se pose avec acuité au niveau français : le Haut conseil pour le climat estime qu’en 2020, 49 % de l’empreinte carbone française pouvait être associée aux importations nettes de la France [3]. La question des retombées sociales est également importante : d’après des données de l’organisation internationale du travail, la consommation française serait responsable de 2,4 accidents mortels au travail par million d’habitants dans des pays tiers en 2018 [4]. Il faut également noter les externalités positives de l’action de la France pour le reste du monde, à commencer par celles portées dans le cadre de sa politique d’aide publique au développement.

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En 2021, l’empreinte carbone de la France est estimée à 604 millions de tonnes de carbone équivalent soit 8,9 tonnes de CO2 éq. par habitant. Les émissions importées en représentent 51 % soit 308 MT CO2 éq.

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La France concentre ses moyens au profit des pays les plus vulnérables. En 2022, l’aide publique au développement aux pays les moins avancés représentent 0,12 % du revenu national brut, soit 19 % de l’aide bilatérale.

Notre engagement sur cette question se fait en grande partie de concert avec nos partenaires européens, au regard de l’importance centrale du canal commercial pour la diffusion de ces externalités. La France a par exemple joué un rôle moteur pour l’atteinte d’un accord européen en faveur de la mise en place d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Celui-ci doit s’appliquer progressivement à partir du 1er octobre 2023 et visera à limiter les « fuites de carbone », soit le comportement de certaines multinationales consistant à délocaliser leurs activités pour s’affranchir des normes exigeantes que l’UE s’impose en la matière et à exporter vers le marché européen, neutralisant ainsi les efforts de réduction d’émissions consentis par les pays européens. Concrètement, le MACF permettra d’imposer un surcoût, calculé sur la base des cours du système d’échange des quotas d’émissions carbone, aux biens importés soumis à un prix du carbone nul ou faible dans leur pays de production. Il sera appliqué de façon non-discriminatoire, avec la même tarification aux produits importés et produits dans l’UE. Dans un premier temps, sept secteurs très fortement carbonés seront concernés : le fer et l’acier, l’aluminium, le ciment, l’engrais, l’électricité et l’hydrogène.

La France a également été pionnière en matière de lutte contre la déforestation importée. Elle a été le premier pays à se doter d’une stratégie nationale en novembre 2018, dont l’objectif est de mettre fin d’ici 2030 à l’importation de produits forestiers ou agricoles contribuant à la déforestation (soja, huile de palme, cacao, bœuf, hévéa, bois et leurs produits dérivés). Elle a contribué à l’atteinte d’un accord politique ambitieux au niveau européen sur un règlement relatif à la mise en disposition sur le marché européen ainsi qu’à l’exportation à partir de l’UE de certains produits associés à la déforestation et à la dégradation des forêts. Ce texte est fondé sur l’obligation de diligence raisonnée, qui impose aux entreprises important ou exportant certains produits agricoles et dérivés, identifiés comme les principaux responsables de la déforestation de justifier des conditions de production au regard des dispositions du règlement et de la législation du pays d’origine.

La lutte contre les retombées négatives de notre consommation passe également par la mobilisation de nos entreprises, qui sont les principaux acteurs des chaînes de valeur contemporaines. La France a été pionnière en étant le premier pays au monde à fixer un cadre juridique transversal sur le devoir de vigilance. La loi du 27 mars 2017 fixe ainsi de nouvelles obligations pour les sociétés les plus importantes, qui doivent établir et mettre en œuvre de manière effective un plan de vigilance. La loi prévoit l’engagement de leur responsabilité en cas de manquement à ces obligations visant à prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains, notamment au travail, ainsi qu’à l’environnement, y compris lorsqu’elles sont commises par leurs filiales directes ou indirectes, en France et dans le reste du monde. La France met actuellement son expérience nationale au service des négociations sur la directive sur le devoir de vigilance qui devraient entrer dans leur phase finale lors du second semestre2023.

Priorité 6.2 - Rénover la politique de développement et de solidarité internationale de la France

La France accorde une attention particulière dans sa politique de développement aux contextes fragiles et aux pays les moins avancés. Ces zones concentrent les principaux obstacles à l’atteinte des ODD ainsi que les besoins de financement les plus importants dans les infrastructures et services de base. En ce sens, la LOP-DSLIM prévoit que la hausse des moyens alloués à l’APD devra être concentrée « sur les pays les moins avancés, en particulier les pays prioritaires de la politique française de développement ». Ces 19 pays prioritaires, définis par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement de 2018, appartiennent tous à la catégorie des pays les moins avancés, et 18 sont situés en Afrique subsaharienne. Cela se traduit dans les chiffres puisqu’un milliard d’euros d’APD en équivalent-don ont été versés aux 19 pays prioritaires en 2021.

Ce faisant,la France entend répondre à un double impératif d’équité (« ne laisser personne de côté », conformément à l’Agenda 2030) et d’efficacité (concentrer les moyens là où l’intensité de la pauvreté est la plus élevée). Notre aide totale à destination des pays les moins avancés s’élevait à 3,15 milliards d’euros en 2021 : en hausse notable (elle atteignait 2,5 milliards d’euros en 2018), elle représentait 0,12% de notre RNB, un résultat encore inférieur à l’objectif internationalement agréé de 0,15 % du RNB, ce qui nous encourage à poursuivre nos efforts.

L’enjeu de la prévention des crises et du traitement des fragilités demeure étroitement lié à celui de la lutte contre l’extrême pauvreté. En 2030, si les tendances actuelles se poursuivent, les zones de fragilité et de crise, en particulier en Afrique subsaharienne, concentreront 86 % de l’extrême pauvreté dans le monde selon l’OCDE. Ces dernières années, l’action de la France pour prévenir et traiter les crises et les fragilités s’est inscrite dans le cadre de la stratégie Prévention, résilience et paix durable (2018-22) [5]. Cette dernière consacre d’une part le rôle central de la prévention et du renforcement de la résilience, avant, pendant et après les crises et les conflits. Elle s’attache d’autre part au traitement de leurs causes profondes, en capitalisant sur les avantages comparatifs et la complémentarité des mandats des acteurs de l’équipe France dans le cadre d’une « approche globale ». Conformément à la logique de l’Agenda 2030, la France traite les fragilités de manière systémique, car la paix et la stabilité constituent à la fois une condition préalable et une conséquence logique d’un développement durable et inclusif.


[1Cet objectif figure explicitement à l’article 3 de la loi du 4 août 2021, qui prévoit que la France doit : « veiller à ce que [ses] politiques publiques concourent à la réalisation des objectifs de développement durable ».

[2Eurostat, Rapport 2022 sur le développement durable dans l’UE, p. 343.

[3Haut conseil pour le climat, Rapport annuel 2022, p. 38.

[4SDSN, Spillover Index

[5La France travaille actuellement au renouvellement de cette stratégie, qui sera effective à partir de 2023. Elle maintient les priorités énoncées ci-après.


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