Les Rencontres du Développement Durable 2023 -Interviews des 5 et 6 octobre

Publié le 19 octobre 2023


Ce jeudi 5 octobre, les Rencontres du Développement Durable ont été lancées à l’ESCP Business School. Après ce lancement national à Paris, plusieurs rendez-vous sont prévus dans toute la France pour débattre de la transition.
Ce grand rendez-vous démocratique permet ainsi à tous ceux qui le souhaitent de s’emparer des enjeux de la transition à travers de nombreux débats gratuits et ateliers citoyens, organisés avec des experts, des décideurs, des dirigeants d’entreprises, des responsables politiques…


RDD2023-Thomas LESUEUR, Commissaire général et Délégué interministériel au développement durable

Thomas LESUEUR, Commissaire général et Délégué interministériel au développement durable lors des quatrièmes Rencontres du Développement Durable organisées par l’Institut Open Diplomacy, à l’occasion du 8e anniversaire de l’adoption par la France de l’Agenda 2030 des Nations unies.


RDD2023 - Frédéric GLANOIS, Secrétaire général adjoint à la planification écologique

Frédéric GLANOIS, Secrétaire général adjoint à la planification écologique


RDD2023 - Pr. Laurence MONNOYER-SMITH, Directrice du développement durable au CNES et Coprésidente de l’Institut Open Diplomacy

Pr. Laurence MONNOYER-SMITH, Directrice du développement durable au CNES et Coprésidente de l’Institut Open Diplomacy


RDD2023 - Dr. Bettina LAVILLE, Présidente-fondatrice du Comité 21

Dr. Bettina LAVILLE, Présidente-fondatrice du Comité 21


RDD2023 - Marie-Laure VERCAMBRE, Directrice générale du Partenariat Français pour l’Eau

Marie-Laure VERCAMBRE, Directrice générale du Partenariat Français pour l’Eau


RDD2023 - Fanny ROUSSEY, Directrice exécutive de Convergences

Fanny ROUSSEY, Directrice exécutive de Convergences


RDD2023 - PARIS - ESCP Business School, synthèse du lancement national des quatrièmes Rencontres du Développement Durable


Interviews

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Interview de Nicolas Graves, ingénieur de recherche, en doctorat, membre, depuis 4 ans de l’ONG « Pour un réveil écologique »et responsable du pôle « Enseignements »

Nicolas GRAVE Agrandir la figure 2521
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Pouvez-vous nous présenter les missions et activités de l’ONG « Pour un réveil écologique »?

Notre organisation fonctionne par pôle (formation, plaidoyer, Employeurs…), elle a une activité à l’échelle nationale et 60 personnes en constitue l’armature.
« Pour un Réveil Écologique » a lancé son manifeste en septembre 2018. Celui-ci a trouvé un certain écho auprès de la communauté étudiante, dans un contexte de mobilisation face à l’urgence écologique. Sur la base de nos expériences et pour favoriser un engagement efficace, notre collectif a travaillé sur la proposition de leviers d’action pour transformer notre société.
Depuis septembre 2018, plus de 34 000 étudiants ont signé le « Manifeste Étudiant pour un Réveil Écologique ». Cette adhésion exprime une véritable inquiétude face au décalage entre l’ampleur des défis climatique et environnemental et les actions engagées pour y répondre.

Comment l’ONG « Pour un réveil écologique » s’est-elle engagée sur la voie du développement durable et de l’Agenda 2030 ?

L’adhésion à un horizon dans lequel la planète serait respectée, le climat sauvegardé, où les populations prospères vivraient en paix et en harmonie avec la nature est assez naturel pour un mouvement comme le nôtre. Pour rappel, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques a été adoptée lors du « Sommet de la Terre » qui s’est déroulé à Rio en 1992. Date à laquelle, l’Agenda 21 a été également adoptée. En dignes successeurs, les « 5 P » de l’Agenda 2030 sont bien en accord avec les transformations que nous souhaitons. À minima, les ODD 4, 6, 7, 13 ,14 et 15 recoupent assez fortement nos actions et nos préoccupations environnementales et climatiques.

Quelles sont les actions emblématiques, en lien avec l’Agenda 2030, que votre organisation a porté ?

Par exemple, en 2022, nous avons participé et contribué à la réflexion, conduite par le groupe de travail multidisciplinaire piloté par Jean Jouzel. Ce groupe de travail avait comme objectif l’accompagnement opérationnel pour sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur. Pour atteindre cet objectif, il est nécessaire de conduire une sensibilisation de tous les étudiants de l’enseignement supérieur à ces sujets, assurer une optimisation et une coordination de la formation des étudiants devant acquérir une compétence avérée dans ces domaines et soutenir l’émergence d’offres de formation, tout au long de la vie, spécifiques. Ces orientations contribuent à l’atteinte de l’ODD 4 relatif à l’éducation et indirectement par une meilleure prise en compte des problématiques environnementales et climatiques en contribuant aux ODD 6 (eau), 7 (énergies renouvelables), 13 (climat), 14 (biodiversité marine) et 15 (biodiversité terrestre).

Un deuxième exemple, qui s’est développé au-delà de nos espérances. “Pour un réveil écologique” a lancé une campagne d’affichage dans le métro parisien (grâce à la régie publicitaire Médiatransports) pour donner au dernier rapport du GIEC la visibilité et l’attention qu’il mérite. L’objectif était de sensibiliser le grand public sur l’urgence d’agir pour sauvegarder le climat de notre planète. À ce moment-là, le rôle essentiel des médias dans la diffusion des contenus scientifiques étaient insuffisants, c’est en train de changer. Ces affiches détournaient les codes de la publicité traditionnelle pour présenter une synthèse en 10 points-clés du rapport du GIEC et proposait à l’aide d’un QR Code un renvoi vers ce dernier. 
Ces affiches ont fleuri dans les gares SNCF de nombreuses villes et se sont retrouvées dans d’autres stations de métro hors région parisienne. Cette campagne a contribué pleinement à, sensibiliser aux ODD 4, 7 et 13 et indirectement à d’autres ODD, au-delà des questions de biodiversité et d’accès à l’eau, comme les ODD 1 (pauvreté), 2 (agriculture durable et faim), 3 (santé et bien être).


Thomas BREUZARD,Coprésident du B Lab France Agrandir la figure 2509
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Thomas BREUZARD, Coprésident du B Lab France

Pouvez-vous rapidement nous présenter le principe de la certification B Corp et les missions et les activités du B Lab France ?

B Corp est une certification née en 2006 aux Etats-Unis, dont l’objectif est de faire évoluer le cœur de métier et l’offre de service des entreprises afin de mettre leur business au service des enjeux de société (« business FOR GOOD »).
B Lab France est une association française de loi 1901 qui porte le mouvement B Corp en France. Son objectif est de faire vivre la communauté des plus de 350 entreprises qui ont obtenu la certification B Corp et de mener différentes missions, dans le but d’influencer positivement l’évolution du monde économique, afin qu’il soit au service des enjeux environnementaux et sociaux : missions de plaidoyer, élaboration de programmes académiques pour préparer les futurs cadres du marché afin que ceux-ci puissent faire évoluer les entreprises de l’intérieur, appui de l’écosystème d’accompagnement des entreprises candidates à la certification, etc.

Comment avez-vous décidé de vous engager sur la voie du développement durable ?

Après plusieurs années de conseil et d’appui à l’élaboration de stratégies RSE, à l’engagement sociétal, au mécénat, etc. l’impression qui m’a frappée était que ces dispositifs cherchaient trop peu à challenger les modèles d’affaires, qui sous-tendent toutes les décisions des entreprises. J’ai alors décidé de rejoindre norsys, et d’y expérimenter de nouveaux dispositifs qui me semblaient plus en phase avec les enjeux de notre époque, qui osent questionner l’utilité de l’entreprise dans la société. C’est à ce moment que j’ai découvert B Corp et sa capacité à réellement questionner les modèles économiques en profondeur.
Cette capacité est liée à deux singularités de cette certification. D’abord, elle regarde le résultat plutôt que l’intention : quelle est la part des achats responsables ? s’il y a une stratégie climat, c’est un fait, mais quelles ont été les évolutions réelles des émissions de gaz à effet de serre au cours des trois dernières années ? Ensuite, la moitié de l’évaluation porte sur les offres et le modèle d’affaire, comme par exemple : l’entreprise crée-t-elle des produits et services pour les populations défavorisées ? un service qui permette de lutter contre les dégradations environnementales ?

Que viennent chercher les entreprises qui décident de s’engager dans ce processus de certification ?

Jusqu’à récemment, la majorité des entreprises s’engageant dans la certification B Corp étaient nées du besoin de services sociétaux et environnementaux. Il s’agissait majoritairement d’entreprises récentes. Aujourd’hui, on certifie de plus en plus d’entreprises qui sont réellement en train de changer, qui se transforment pour se rendre utiles pour les humains, sans détruire le vivant.
L’engagement dans ce processus de certification constitue une façon de trouver de nouveaux axes de progrès. Une entreprise ne peut pas couvrir l’ensemble des 23 modèles d’affaires à impact, mais le fait de les explorer peut donner des idées sur le modèle de distribution, de contractualisation, d’achat… Au-delà de cela, cette certification peut améliorer la marque employeur ou répondre aux exigences des consommateurs. Les près de 200 critères sont révisés tous les ans et les niveaux de performance attendus également, ce qui en fait un label très exigeant.
Enfin, l’outil de certification établit un pont avec les 17 Objectifs du Développement Durable : avec le SDG action manager, il existe un outil dédié au pilotage des impacts au regard des 17 ODD. Les critères évalués par la certification sont redistribués par ODD, ce qui permet de connaître et d’évaluer la contribution de l’entreprise aux objectifs de l’Agenda 2030.


Françoise BLIND, Associée-fondatrice de Mergéo Agrandir la figure 2508
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Françoise BLIND, Associée-fondatrice de Mergéo

Journaliste et réalisatrice, fondatrice de l’agence éditoriale Mergéo, Françoise Blind-Kempinski est passionnée par toutes les transformations qui bouleversent les systèmes économiques. Spécialiste des problématiques environnementales, elle a créé en 2019 la « verticale environnement » des Echos qui s’appelle les Echos Planète., Les équipes de l’Agenda 2030 du CGDD ont eu l’opportunité de l’interviewer lors des rencontres du développement durable à l’ESCP, organisées par l’Institut Open Diplomacy.

Considérez-vous que les médias couvrent suffisamment le sujet de la transition énergétique ?

On peut porter une appréciation en termes de quantité. Et de ce point de vue, je trouve que la couverture de ces sujets s’est très nettement améliorée. On devrait aussi s’interroger sur la qualité des informations données qui est plus aléatoire. Les médias traditionnels ont, à mon sens, une responsabilité particulière à ce titre car ils incarnent des marques de presse dont le sérieux ne doit pas pouvoir être remis en cause. Diffuser des informations tronquées ou approximatives, c’est aussi désinformer. Il n’est pas toujours évident de traiter la cause écologique de façon objective et sérieusement documentée car ce sont des sujets souvent très techniques, donc exigeants. Cela nécessite beaucoup de travail en amont pour pouvoir faire œuvre de pédagogie. Exigence et responsabilité vont de pair. Nous avons, par exemple, publié sur les Echos Planète, une infographie mettant en scène les scénarios de réchauffement du GIEC par pays, alors que le GIEC les publie par zones géographiques. L’objectif était de les rendre plus compréhensibles. Mais personne ne peut imaginer le temps que cela a pris de recalculer tous ces indicateurs !

Comment traiter les enjeux de la transition écologique, de l’adaptation au changement climatique, sans nourrir l’éco-anxiété ?

C’est difficile, car la prise de conscience de l’inéluctabilité des bouleversements planétaires à venir est vertigineuse. Il faut néanmoins garder confiance en l’inventivité humaine, en notre capacité d’intelligence et d’empathie, pour encourager et accélérer le passage à l’action de tous, pouvoirs publics, entreprises, et individus. Un bon moyen de lutter contre l’éco-anxiété, c’est déjà d’être soi-même une partie prenante agissante et aussi de mettre en lumière les avancées positives. Il y a des solutions technologiques émergentes très prometteuses, des évolutions réelles vers des business modèles plus durables, beaucoup d’hommes et de femmes qui, dans le monde entier, font bouger les lignes. Les bouleversements et les contraintes que génère l’urgence écologique doivent se muer en opportunités. Il faut aussi rendre désirable de nouveaux comportements de consommation. Les marqueurs sociaux qui prévalaient il y a encore dix ans sont bel et bien révolus. Il est important de créer de nouvelles références et de valoriser les inspirateurs qui les promeuvent. La transformation écologique bouleverse toutes les organisations et les corps sociaux. C’est une épreuve de vérité pour les politiques et un enjeu vital d’information-communication pour nos démocraties.

Quel est l’intérêt à vos yeux des rencontres du développement durable ?

L’essence de mon métier est de donner des clés pour éclairer les grands enjeux et faire progresser le débat. Or je constate que trop souvent les différentes parties prenantes raisonnent en silo. Confronter les points de vue, c’est donc crucial. C’est précisément le but des RDD qui nourrissent le dialogue, en réunissant des publics diversifiés - j’ai vu beaucoup de jeunes cette année -, mais partageant un même centre d’intérêt. Les RDD c’est un foisonnement d’informations, un carrefour de prise de paroles dont l’impact n’est pas toujours tangible, mais qui vise à accompagner et favoriser la prise de conscience. Car chacun, à son échelle, peut agir.


Yannick Servant, Co-fondateur de la Convention des Entreprises pour le Climat Agrandir la figure 2511
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« La Convention des entreprises pour le climat (CEC) permet de sortir du triangle de l’inaction État-citoyen-entreprise »

Yannick Servant, Co-fondateur de la Convention des Entreprises pour le Climat

Après dix ans de marketing dans différentes start-up et chez Google, vous êtes devenu un des co-fondateurs de la convention des entreprises pour le climat, créée en décembre 2020, quel était votre projet à l’origine ?

Il y a eu un appel au monde économique à faire toute sa part. L’idée était de faire la même chose que la convention citoyenne pour le climat avec 150 entreprises, 150 dirigeants de consultants indépendants, à des entreprises familiales à très grandes structures de plus de 15000 collaborateurs. C’est une association d’intérêt général. Notre équipe avait vécu des enjeux de transformation mais si la personne tout en haut de la pyramide n’en a cure, il ne se passera rien. Nous savions qu’il fallait prendre le temps de comprendre les enjeux avec la partie émotionnelle aussi du cerveau. A quoi ressemblera le monde de demain ? Dans quel monde, mes enfants vivront en 2050 ? Le rôle et la figure du dirigeant d’entreprise a quelque chose de puissant à activer car il existe un triangle de l’inaction entre puissance publique, citoyens, entreprises. Chacun a une bonne raison de dire que c’est à l’autre à changer en premier. Le point de départ de la convention c’était en effet de trouver des leviers à travers les dirigeants d’entreprises. Le 17 décembre 2020, nous avons fait notre premier appel à candidatures pour ce projet inscrit dans le cadre des Accords de Paris avec un élargissement aux limites planétaires, pour des dirigeants avec 12 jours plein de leur temps pour apprendre, comprendre, ressentir, travailler. Pour que le monde change, il faut être légitime quand on demande quelque chose. Le livrable de la convention, c’est la somme des engagements des 150 entreprises et leurs feuilles de route à horizon 2030. 85 feuilles de routes sont rendues publiques. Cela légitime la démarche ensuite. On peut alors passer à l’étape suivante en ayant fait le deuil du monde d’avant et en ayant pris conscience de son pouvoir d’action. Prendre le temps de comprendre pour agir et connaitre le scenario du pire pour construire quelque de mieux. Agir c’est se donner la capacité de transformer.

Comment rendre irrésistible le changement, comment faire la bascule de l’économie extractive vers l’économie régénérative avant 2030, ce qui est la raison d’être de la convention des entreprises pour le climat (CEC)?

On rend cette bascule irrésistible en montrant des exemples désirables de transformation. Impossible sans pas de côté. On veut toujours plus que la génération précédente et pourtant, on est la première génération qui aura moins que nos parents. Le monde du toujours plus n’a plus lieu d’être. Il nous faut changer de logiciel. On ne peut pas rendre désirable le fait d’avoir moins quand on a vécu toujours avec le sujet d’avoir plus. Il y a une notion de pas de côté : « le pont invisible d’Indiana Jones », comme une illusion d’optique. Il existe un changement du rapport au temps favorisé par le processus de transmission de patrimoine. Mon travail est de garantir que mon entreprise existera dans 30 ans. La rentabilité trimestrielle reste un outil de pilotage et pas un impératif. Cela demande du courage et des choix difficiles voire marginalisant avec de plus en plus de tiraillements. On recherche la robustesse. Des dirigeants sont venus à nous avec un objectif de réunir un tissu économique représentatif français. Il faut garantir que ces dirigeants viennent en présentiel avec un engagement fort. On ne donne pas le programme à l’avance. Il y a une radicalité des feuilles de route posées. Il faut prendre les choses par la racine. Une transformation personnelle permet une transformation organisationnelle et cela ne marchera que si la poignée qui participe ressent ce devoir contraignant.

Quel serait le message que vous aimeriez passer aux cadres dirigeants ?

Il faut aller à la rencontre des acteurs associatifs, économiques, oser des transformations radicales. Quand on a montré les feuilles de route à des ministres ou des cabinets ministériels, cela a créé un décalage complet par rapport au système d’aujourd’hui. Il faut coopérer pour partager le même constat et faire bouger les lignes.
Nous proposons une transformation personnelle pour une transformation organisationnelle. Nous souhaitons que les dirigeants se sentent le devoir de diffuser une nouvelle vision et de rayonner ces valeurs, avec un nouveau modèle économique. Il s’agit de donner de la valeur à ce qui n’en avait pas notamment la biodiversité.


Gilles Pecassou, directeur général délégué de l’Institut de recherche pour le développement Agrandir la figure 2490
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Gilles PECASSOU, directeur général délégué de l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

Pouvez-vous rapidement nous présenter les missions et activités de votre structure ?

L’Institut de recherche pour le développement (IRD) est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR) et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE). Depuis sa création, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Institut s’est engagé dans la co-construction de savoirs pluridisciplinaires, en partenariat avec les pays méditerranéens et intertropicaux. Il porte, par sa présence dans une cinquantaine de pays, une démarche originale de recherche, d’expertise, de formation et de partage des savoirs au bénéfice des territoires et des populations qui font de la science et de l’innovation un des premiers leviers de leur développement.

Les priorités de recherche de l’IRD, acteur de l’agenda international pour le développement, s’inscrivent dans la mise en œuvre des Objectifs du développement durable (ODD). Elles ont pour ambition de contribuer aux avancées de la connaissance scientifique en matière de développement et mettre les résultats scientifiques au cœur des politiques publiques. Au quotidien, l’IRD donne la preuve de la pertinence de son modèle en apportant, avec ses partenaires, des solutions concrètes aux crises écologiques, alimentaires, sanitaires, démographiques, et cela au plus près des populations locales.

A l’international, l’IRD s’appuie sur un réseau unique de 39 représentants ou correspondants, dont cinq dans les Outre-mer et six mutualisés avec des partenaires de l’ESR (CNRS, CIRAD, MNHN). Cela constitue un réseau d’experts en recherche pour le développement durable sur l’ensemble des pays en développement, mais aussi des pays émergents et des territoires d’Outre-mer. A l’initiative de l’IRD, un projet d’alliance européenne de la recherche pour le développement durable permettra à terme une approche plus ambitieuse à l’échelle de la Team Europe.

Pour toutes ces particularités l’IRD est un institut unique, un marqueur de la spécificité de la recherche scientifique française et de sa politique d’aide au développement durable. L’IRD constitue en cela un atout national pour faire de la France un référent européen et international majeur de la recherche pour le développement durable.

Comment votre structure s’est-elle engagée sur la voie du développement durable et de l’Agenda 2030 ? Comment ce cadre guide-t-il concrètement vos actions ?

Par ses nombreuses activités (recherche, renforcement des capacités, innovations, etc.) dans la zone intertropicale et méditerranéenne, l’IRD est un institut en prise constante avec les enjeux de durabilité. Depuis la publication du rapport Brundtland en 1987, il porte le concept de développement durable comme la matrice de ses recherches et, depuis 2015 et l’adoption de l’Agenda 2030, il a fait des ODD sa grille de lecture face aux enjeux globaux auxquels nos sociétés font face.

La communauté scientifique mondiale a activement participé à la mise à l’agenda multilatéral de ces ODD en leur apposant un diagnostique scientifique et en cherchant des solutions adéquates. Pour cela, les disciplines scientifiques se doivent d’être à l’image des ODD : interconnectées, interdépendantes, holistiques. Pour améliorer et accélérer la réponse de la recherche scientifique dans l’atteinte des ODD, le dialogue entre disciplines doit continuellement être nourri et renforcé.

C’est la raison pour laquelle, l’IRD a placé la science de la durabilité au cœur de sa stratégie scientifique. Ce concept marque un changement radical dans la construction de nouveaux systèmes de savoirs. Il permet d’aller au-delà de l’approche scientifique classique pour faire converger les connaissances, les actions et les engagements, toujours dans l’objectif commun de résoudre les problèmes concrets, sur le terrain. Les activités de l’IRD s’organisent ainsi autour de neuf grands défis sociétaux, qui nous permettent de mener à bien une recherche inclusive reposant sur l’interdisciplinarité, la coconstruction partenariale et multi-acteurs, et des dispositifs de recherche en partenariats. Nous allons poursuivre cette démarche au niveau international par la création - par exemple - de centres régionaux de la science de la durabilité.

Avez-vous une action transversale à l’Agenda 2030 (visant l’atteinte de plusieurs ODD) à valoriser ?

L’IRD est partie prenante de l’initiative de la Grande Muraille Verte (GMV), dans la bande sahélienne, par la coordination de l’International Research Network (IRN) GMV RESET. Ce réseau interdisciplinaire de laboratoires français et étrangers a vocation à offrir un cadre de mobilisation pour la gestion durable des terres et des territoires dans la zone de la GMV. Il structure, renforce et visibilise la communauté de recherche impliquée dans cette grande initiative sahélienne. Il optimise les résultats scientifiques et incite à leur prise en compte dans les décisions publiques. La GMV vise à durablement inverser les processus de dégradation des terres et à améliorer les conditions de vie tout en préservant les systèmes de production des agrosystèmes de la région.

Les activités de recherche menées par l’IRD GMV RESET seront insérées dans une démarche interdisciplinaire et transdisciplinaire qui s’inspire des bases de la science de la durabilité et met en avant des axes de recherche jusque-là très peu documentés dans le cadre de la GMV :

  • la séquestration du carbone et les rétroactions entre GMV et climat (ODD 13) ;
  • la préservation et restauration de la biodiversité (ODD 15) ;
  • la préservation et l’efficience d’utilisation de ressources, notamment hydrologiques ;
  • la sécurité et stabilité des territoires (ODD 16) ;
  • les questions foncières et la reconfiguration des unités de production agricole (ODD 2) ;
  • les dynamiques des économies familiales rurales, les mobilités et transitions entre espace rural et développement urbain (ODD 11).
    Estelle Thibaut, Directrice générale de la SCARA Agrandir la figure 2491
    Figure 2491

Estelle Thibaut, Directrice générale de la SCARA

Comment les PME investissent l’Agenda 2030 en France ?

Les PME sont des maillons essentiels des chaînes de valeurs. Compte tenu de leur très grand nombre, elles représentent une part conséquente des fournisseurs dans de nombreux secteurs.
Comme l’a montré le dernier baromètre des ODD élaboré par PwC, les PME sont de plus en plus nombreuses à s’engager dans l’atteinte des ODD.
Pour une PME, c’est un défi car les moyens humains sont limités et la prise de risque que demandent certains engagements peut parfois être rédhibitoire. Néanmoins, c’est un enjeu en lien avec leur modèle d’affaire à court terme et moyen terme et elles sont de plus en plus nombreuses à s’emparer des ODD notamment ceux en lien avec les conditions de travail et les sujets relatifs aux consommateurs et aux enjeux environnementaux.
Ce sont essentiellement les Directions Générales qui portent les engagements vers l’Agenda 2030 en lien avec leurs choix stratégiques. De même, par la proximité qui existe entre la Direction Générale et les salariés dans les PME, les salariés se montrent plus engagés et plus investis que dans les Grands Groupes ou les ETI.

Quelles sont les priorités en la matière pour le Pacte Mondial ?

Le Pacte mondial des Nations Unies offre un cadre idéal pour toute entreprise qui souhaite initier une démarche de développement durable ou progresser. Les Dix principes et les 17 ODD permettent aux entreprises de structurer leur démarche RSE dans une approche holistique. Ce cadre est particulièrement pertinent pour les PME, car il demande aux entreprises de respecter des principes de base tout en laissant une grande place aux initiatives volontaires et à l’innovation.
Afin d’encourager les pratiques responsables et structurer les démarches des PME, le Pacte mondial Réseau France a notamment mis en place un « Accélérateur PME » : un programme en ligne de six mois qui combine des apprentissages théoriques sur les enjeux du développement durable, des exemples de bonnes pratiques et d’outils et des activités pratiques par petits groupes d’entreprises. À raison d’une session de 2h30 par mois, les participants sont formés sur de nombreux sujets (réchauffement climatique, égalité femmes/hommes, achats responsables, etc.) et structurent progressivement leur démarche de durabilité. Organisée entre octobre 2022 et mars 2023, la première édition de l’Accélérateur PME a formé près de 100 PME. Lancée en septembre 2023, une nouvelle édition de l’Accélérateur formera 100 autres PME.

Les entreprises adhérentes au Pacte Mondial Réseau France doivent communiquer tous les ans leurs progrès (CoP). Cette communication annuelle prend la forme d’un questionnaire qui couvre cinq domaines du développement durable (gouvernance, droits de l’homme, travail, environnement et lutte contre la corruption) sur environ 60 questions et jusqu’à 40 indicateurs chiffrés selon le répondant. Les résultats sont accessibles publiquement. Ce mécanisme est crucial pour aider les PME à structurer leurs actions, à les valoriser en externe et à se préparer aux exigences de la CSRD.

Le Pacte mondial Réseau France souhaite contribuer à l’accélération de la transition écologique et sociale des PME françaises. Il appelle toutes les parties prenantes impliquées sur ce sujet à considérer les éléments suivants :
1.La contribution des PME au développement durable est essentielle.
2.Les actions sociales et environnementales des PME se développent mais restent principalement informelles.
3.Les PME sont confrontées à de nombreux défis dans la mise en place d’une démarche de durabilité (manque de ressources, temps, compétences, etc.) et nécessitent un accompagnement dédié.
4.Le Pacte mondial offre un cadre d’engagement volontaire adapté aux PME.

Comment la Scara peut-elle être une belle illustration du champ des possibles ?

La SCARA est engagée de longue date en faveur du développement durable, adhérente du Pacte Mondial Réseau France depuis 2009.
L’activité agricole est un enjeu majeur étant donné qu’elle produit une alimentation qui nous est nécessaire tout en étant très directement lié à l’écosystème.

La SCARA a donc comme conviction, guidant sa stratégie, qu’elle doit Nourrir et Préserver et que cette ambition est indivisible, nous ne pouvons faire le choix entre les deux. Aussi, cette conviction stratégique porte notre Responsabilité Sociétale d’Entreprise qui s’inscrit et se révèle dans nos axes stratégiques, dans nos actions, dans nos engagements, nos investissements. L’atteinte des Objectifs du Développement Durable fait partie intégrante de nos réflexions et actions dans tout ce que l’on entreprend.

De par notre statut juridique de coopérative, nous avons une gouvernance qui demande engagement et équité, qui considère non pas uniquement les résultats économiques mais leurs répartitions, le partage des risques et de la valeur, qui engage solidairement les adhérents-coopérateurs actuels mais aussi futurs.
Il s’agit de mettre en mouvement même si le changement est parfois lent, de lancer une dynamique d’accompagnement sur l’ensemble des objectifs de développement durable en travaillant, entre autre, sur l’atténuation aux changements climatiques via le Label Bas Carbone, sur la préservation de la Biodiversité au travers de la réimplantation de haies, de l’accompagnement à la certification Haute Valeur Environnementale ou le développement d’une filière de collecte de grains en Agriculture Biologique.
A la fois auprès de nos agriculteurs mais aussi de nos clients qui sont parfois de Grandes Entreprises internationales, la SCARA s’efforce de faire valoir le développement durable au travers de la valeur des produits qu’elle commercialise. Il s’agit de mettre en avant les pratiques les plus favorables à l’atteinte des ODD, de travailler à ce que ces pratiques soient valorisées pour inciter et faciliter les changements de pratiques agricoles. C’est ainsi que l’on travaille dans un cadre de durabilité à « Nourrir et Préserver ».


Quentin BORDET, Co-fondateur et président de Les Collectifs Agrandir la figure 2492
Figure 2492

Quentin BORDET, co-fondateur et Président de « les collectifs »

Pouvez-vous rapidement nous présenter les missions et activités du réseau Les Collectifs, ainsi que vos missions au sein de la structure ?

Le réseau LES COLLECTIFS a pour mission de transformer les entreprises de l’intérieur en réponse aux défis environnementaux et sociétaux. Nous voulons que les entreprises soient une solution et pas un problème, nous aidons les salariés à se mettre en mouvement, et les dirigeants à s’appuyer sur ces salariés sensibilisés « forces vives » de l’intérieur.

La création du réseau LES COLLECTIFS s’est faite sur la base de l’expérience de 27 collectifs pionniers qui avaient émergé avant 2021. S’étant rendu compte de l’impact et de la spécificité de leur démarche, ils ont créé conjointement l’association LES COLLECTIFS en 2021 en France pour porter à une autre échelle ce mouvement de mobilisation au sein des entreprises. Le réseau est structuré autour de ses collectifs, dans toute leur diversité : ils vont de 10 à 1600 membres, représentent tous les secteurs de l’économie, et sont présents également dans des administrations, des agences publiques et hors de France.

Les collectifs agissent au sein des entreprises pour accélérer et améliorer les décisions de l’entreprise, et renforcer leur contribution à l’Agenda 2030. Ils mènent 3 types d’actions principaux. Premièrement, des actions de sensibilisation et de formation : ateliers, conférences, séminaires, à destination de toute l’entreprise. Deuxièmement, des actions pour améliorer les pratiques de l’entreprise : mesure de l’impact carbone, changement de fournisseurs par des alternatives plus durables. Enfin, ils participent à la redéfinition des stratégies des entreprises pour s’aligner avec l’Agenda 2030 : en étant formellement intégrés dans les instances de gouvernances, en menant des collaborations directes avec les directions d’entreprises, en étant impliqués dans la construction des plans stratégiques.

En tant que réseau, LES COLLECTIFS mène trois types d’activités :

  • Connecter et faire grandir la communauté de collectifs : accompagnement à la création de collectifs, mises en réseau, organisation de rencontres physiques régulières, animation de canaux de discussions et d’entraide
  • Développer des initiatives communes inter-entreprises : création d’outils qui facilitent les partages d’expérience (par exemple notre Atlas des actions qui recense 70+ actions à mener en entreprise), groupes de travail et recherches inter-collectifs sur des trajectoires sectorielles, etc.
  • Porter la voie des salariés engagés et plaider publiquement pour des entreprises plus responsables : interventions médiatiques et lors d’événements (par exemple, lors de la COP26 à Glasgow sur le Pavillon France et au Hub du New York Times), collaborations avec des acteurs de l’écosystème (par exemple le label reconnu mondialement B-Corp), rencontres avec des directions et des directions RSE, des plus grands groupes mondiaux à des entreprises locales.

Pour mener à bien ces activités, nous comptons sur la force de nos bénévoles, et en premier lieu l’équipe cœur du réseau, tous fondateurs de collectifs.
Pour mon rôle, Quentin Bordet, je suis cofondateur du réseau et président de l’association.

Comment le réseau Les Collectifs s’est-il engagé sur la voie du développement durable et de l’Agenda 2030 ? Comment est-ce que ce cadre guide concrètement vos actions ?

L’Agenda 2030 et les ODDs font partie des aiguillons qui tirent l’ambition de notre réseau et de la mobilisation des salariés sur le terrain - avec d’autres cadres tels que l’Accord de Paris, les limites planétaires, etc.
Ils guident notre action en donnant le cadre global sur lequel les collectifs peuvent s’appuyer. Ainsi, les collectifs intègrent cette ambition planétaire – sur laquelle ils ont souvent un niveau d’expertise plus fort que le reste de l’entreprise – et le convertissent en initiatives adaptées à chaque entreprise, et à travers une mobilisation larges issues de « la base ».

Pourquoi agir pour l’Agenda 2030 ? Cela s’est fait de manière naturelle et organique, portés par les envies, les actions et la mobilisation des milliers de salariés dans des centaines d’entreprises qui avaient à cœur de s’engager, de participer à changer de monde, et de faire vivre cet agenda au plus près du terrain et des décisions des entreprises.
D’ailleurs, les collectifs sont vecteurs d’accélération de la trajectoire de l’Agenda 2030. Souvent ils portent des initiatives avec 2 ou 3 ans d’avance par rapport à la phase « mainstream », tout en augmentant le niveau d’ambition des décisions et en étant anti-greenwashing. Enfin, les collectifs sont vecteurs d’une re-humanisation par les liens interpersonnels : dynamiques uniques dans les entreprises et diversité dans les profils des membres de collectifs

Avez-vous une action transversale à l’Agenda 2030 (qui vise l’atteinte de plusieurs ODD) à valoriser ?

LES COLLECTIFS a publié en mars 2023 son Cet Atlas des actions ; un premier recensement de plus de 65 actions menées par des collectifs… afin d’aider des collectifs et des entreprises à agir en s’appuyant sur l’expérience de ceux qui ont déjà fait, à travers des modes d’emploi et retours d’expérience. C’est une initiative de toute notre communauté, où chaque collectif a pu contribuer à la rédaction des retours d’expérience en fonction de ses actions.

Notre ambition est de faire grandir cette plateforme pour capitaliser plus largement sur l’expérience de toutes celles et ceux qui agissent de l’intérieur, dans les entreprises, en France et dans le monde entier comme cela est de plus en plus le cas. En plus d’aider les collectifs, ils permettent à de potentiels créateurs de collectifs de se projeter vers de premières actions. Nous avons également eu des retours de responsables RSE ou de dirigeants qui utilisent cet outil pour identifier des pistes d’actions.

Les actions touchent ainsi largement les objectifs de Développement durable ! Notamment ceux de lutte contre les changements climatiques (ODD13), la consommation et production responsable (ODD12), d’une industrialisation et de villes durables (ODD9 et 11) et de la préservation de l’eau, de l’énergie, des écosystèmes marins et terrestres (ODD6, 7, 14 et 15). Ainsi les impacts des actions des collectifs peuvent être très large car– et c’est souvent mal compris – les décisions des entreprises ont des conséquences – positives ou négatives – très large en amont et en aval des chaines de valeur, dans des territoires du monde entier.
Cela dit, un ODD qui nous tient particulièrement à cœur est l’ODD transverse 17 sur les « partenariats » à mener pour la réalisation des objectifs. Nos actions s’y intègrent complètement. En effet, nos actions visent à casser certains silos entre les parties prenantes et monde de l’entreprise et à les faire travailler ensemble. Les Collectifs, par leur mobilisation, ont souvent des expertises et des liens plus variés que le reste de l’entreprise, et favorisent la création de ponts entre ces sphères - dirigeants, ONGs, entreprises de l’économie sociale et solidaire, pouvoirs publics. Les Collectifs le fait à travers une nouvelle forme de « partenariat » entre parties prenantes : une approche constructive par l’action, l’inspiration et la proposition pour accélérer les décisions, que nous avons appelé le « pour-pouvoir ».
Et nous serions ravis de continuer à augmenter notre « pour-pouvoir » d’accélération des objectifs des Nations Unies.